Montréal Contre-information
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Avr 012017
 

Soumission anonyme à MTLCounter-info

Quelques centaines de personnes se sont réunies hier soir à la Place Valois dans Hochelaga pour la 20e édition annuelle de la manifestation contre la brutalité policière, organisée par le collectif opposé à la brutalité policière (COBP). C’était le lendemain de la plus grande tempête de neige de l’année à Montréal. Les bancs de neige qui bordaient les rues étaient devenus des obstacles, autant pour les manifestants, que pour les flics. En refusant cette logique de protestation qui exige une police moins brutale, nous avons porté la mémoire des 15 mars antérieurs et leur héritage marqué de révolte contre la police. Nous y avons aussi amené des roches.

Les mots du récit du dernier 15 mars qui eut lieu à Hochelaga il y a 7 ans font toujours écho :

« Nous sommes allés à cette manifestation dans l’intention d’attaquer la police. En plus de toutes les armes que nous transportions, nous portions avec nous un désir de ne plus voir un seul flic marcher dans les rues le lendemain; au moins sans boiter du pied, avec un mal de tête et un sentiment de peur qu’aucune paye d’heures supplémentaires ne peut calmer. Nous sommes sortis dans les rues pour les attaquer comme si nous pouvions réellement les frapper hors de nos vies, sans culpabilité, sans remords ni honte. Tout en reconnaissant que nous n’avons pas encore réalisé l’amplitude de nos désirs (les flics ne sont pas encore en train de courir pour sauver leur peau), nous continuons d’organiser nos vies et nos projets dans cette direction. »
– Traduction libre de Measuring the Meaning of a March, Mars 2010, Montréal

RÉCIT

Après un discours du COBP, la foule s’est dirigée vers l’ouest sur la rue Ontario. Le tiers des individus était masqués. À l’avant de la manif, on pouvait apercevoir une douzaine de drapeaux noirs, quelques bannières renforcées, en plus de la bannière de tête du COBP. Les flics n’étaient pas présents aux abords de la manif probablement à cause des énormes quantités de neige qui étaient tombées la veille, ce qui les gardaient aussi à distance des possibles projectiles. Alors que certains policiers suivaient dans les rues parallèles, paraîtrait-il qu’une partie des anti-émeutes ont dû prendre le métro, probablement en raison de la tempête ayant perturbé le plan de transport prévu. Des roches ont été distribuées et d’autres projectiles ont été trouvés le long de la rue l’Ontario, avec un succès relatif, puisque tout était couvert de neige. Nous avons rapidement traversé Centre-Sud puis atteint l’Est du centre-ville. Un feu d’artifice a été lancé, annonçant notre arrivée dans un terrain confortable et bien connu a été lancé. Des individus dans le bloc ont demandé à plusieur reprise aux gens tenant la bannière de tête de ralentir plusieurs fois ; on aurait dit que la manif courait après elle-même, ce sans raison particulière. Il a été difficile pour les retardataires de se joindre et pour la manif, de faire bloc. Nous aimerions que les prochaines manifs ralentissent ou, voir, qu’elles s’arrêtent quand il n’y a pas de menace immédiate de la police – cela permettrait plus de destruction, de graffitis, d’affichages, d’ériger des barricades ou de danser !

En approchant les environs du quartier général de la police de Montréal (SPVM) sur la rue Saint-Urbain, les policiers en voitures et à vélo à l’avant de la manif ont été attaqués avec des feux d’artifice. Pendant que la foule se rassemblait à l’intersection d’Ontario et Saint-Urbain, davantage de feux d’artifice ont été tirés sur les policiers, qui se mobilisaient pour défendre leur quartier général, puis sur une demi-douzaine de policiers à cheval qui venaient de l’est. “Get those animals off those horses” est presque devenu la réalité au moment où les chevaux apeurés se sont rués sur leurs pattes arrière, ce qui provoqua leur retrait pour la soirée.

Plutôt que de se rassembler au quartier général de la police et de laisser les flics prendre place, nous avons continué vers l’ouest sur De Maisonneuve. Quelques coins de rue plus tard, plus de feux d’artifice ont été tirés sur les flics devant nous. Un photographe qui suivait et filmait de près une personne du bloc a vu sa caméra jetée hors de sa main, provoquant une confrontation plus large avec les médias à l’avant de la marche. Des roches et des boules de neige ont été jetées à un cameraman des médias de masse, qui a ensuite été poussé avec une bannière renforcée et frappé au sol, alors que son garde du corps loué a été battu avec des bâtons de drapeau depuis l’arrière de la bannière.

Une voiture de police laissée seule a été repérée à notre gauche, stationnée sur la rue Union. La foule l’entoura rapidement et la défonça. Sur le même coin de rue, vers le sud, les vitrines du magasin La Baie (l’une des plus vieilles entreprises coloniales du Canada) furent fracassées et marquées par des graffitis. Après environ quinze minutes d’énergie déterminée se traduisant en action conflictuelle parmi la foule d’environ cent-cinquante personnes, les flics exécutèrent une manœuvre d’encerclement et de dispersion efficace. Des lignes de police anti-émeute coururent des deux côtés de la manif, tandis que les flics à vélo nous poursuivaient, fermant les sorties par derrière. Plusieurs personnes se sont dispersées dans les rues éloignées des flics, mais une douzaine de personnes ont été prises au piège vers l’est sur Ste-Catherine à la Place-des-Arts, alors que plus de flics anti-émeutes arrivaient de Saint-Urbain et bloquaient la seule voie de sortie qui restait.

Cela n’aurait jamais dû arrivé; c’est dans les petites rues que nous somme le plus fort.e.s puisque cela laisse moins de mobilité à la police. Ils nous ont donc évidemment guidés vers l’espace le plus ouvert du centre-ville. Nous diriger vers l’ouest sur Ste-Catherine contre le trafic et attaquer offensivement la police à vélo vulnérable qui a réussi à nous intimider en nous repoussant vers la Place-des-Arts, aurait au moins permis une meilleure dispersion.

À la place, les cœurs se sont resserrés, alors que les flics fermaient rapidement un encerclement de trente personnes contre un côté d’un bâtiment de la Place-des-Arts. Toutefois, avec des cris lancés « On fonce !», une confiance et une rapidité inspirante, avant que la deuxième ligne de flic puisse se former, celles-ceux qui étaient encerclés ont poussés contre les anti-émeutes qui bloquaient le trottoir à l’est, ont brisé la ligne et se sont libérés. D’autres anti-émeutes ont voulu bloquer cette nouvelle voie de fuite, mais ils n’étaient pas assez. Les gens courraient à travers les bancs de neige et les stationnements couverts de neige. La plupart ont pu prendre la fuite. Malheureusement, environ dix personnes se seraient retrouvées dans un nouvel encerclement s’étant formé dans le stationnement à côté du quartier général du SPVM. Leurs sacs à dos ont été saisis et ils ont probablement été photographiés, mais on les a laissé partir sans contravention ni accusation. La manifestation s’est terminée sans arrestations.

CRÉATIVITÉ TACTIQUE

Pour combattre l’inévitable stratégie de dispersion inévitable de la police, avec un peu de préparation à l’avance, une équipe portant une bannière renforcée aurait pu se déplacer vers l’un des trottoirs pour bloquer ou du moins retarder le positionnement des lignes de police (potentiellement munis d’extincteurs pouvant être déchargés sur la police pour ralentir leur déploiement). Lancer des projectiles sur les lignes de flics s’est avéré être inefficace, car la foule se déplaçait trop rapidement pour faire bloc et se battre avec une certaine cohésion. Cela rendait difficile de jeter suffisamment de roches pour avoir un impact sur les mouvements de la police. Dans le futur, souvenons-nous de cette leçon ; les feux d’artifice ont tout de même réussi à maintenir la police à distance, spécialement sur un terrain où les projectiles plus conventionnels étaient compliqués à trouver.

Ces dernières années, la perspective que le black bloc puisse prendre de l’espace loin de la police un 15 mars paraissait lointaine. La soirée d’hier était donc inspirante. Durant l’une des deux journées de l’an (l’autre étant le 1er mai) pour lesquelles la police passe l’année à se préparer, nous avons encore pu échapper significativement aux contrôles policiers et porter une attitude conflictuelle en confiance. Cela rend évident que nous devrions nous préparer toute l’année pour les manif en donnant plus de confiance en ce qui peut être possible. Nous pouvons clairement amener le conflit dans la rue d’une manière qui ne signifie pas la fin d’une manif comme plusieurs s’y attendent, mais plutôt comme le début de quelque chose.

Le 15 mars de cette année nous a laissé.e.s avec des questions d’ordre stratégiques concernant les manifestations et nous apprécierions que cette conversation continue. À quels moments la police se tient-elle à distance de la manif intentionnellement et de façon constante, quand et comment les tentatives de confrontation doivent-elles être faites ? Quels autres objectifs avons-nous dans de telles situations ? Comment pouvons-nous utiliser le temps et l’espace que nous avons dans ces moments pour mieux nous préparer à une éventuelle attaque de la police ?

NE DONNONS PAS DE PREUVES À LA POLICE !

Un mot aux journalistes indépendants de la ville: il peut être difficile de vous distinguer des médias de masse qui génèrent des preuves incriminantes et qu’ils remettent volontiers à la police (et que nous attaquerons à chaque fois que nous en aurons la chance). Distinguez-vous par votre comportement – ne filmez qu’à distance et ne filmez pas directement ceux qui attaquent. Ne filmez que leurs cibles. Malgré toutes les bonnes intentions que vous avez sans doute, si vous filmez des gens qui commettent des crimes, ces images peuvent et seront utilisées pour solidifier les preuves contre ielles (même si ielles portent un masque, d’autres vêtements ou des traits du visage sont régulièrement utilisés par la police pour identifier les suspects). Vous ne voulez pas être ce type qui met en danger les manifestants en les exposant à la violence policière. S’ils-vous plaît, prenez cela au sérieux.

Deux autres choses : ne filmez jamais au point de départ ou dans les premiers quinze minutes d’une manif pour permettre à tous.tes celleux qui prévoient porter un masque d’avoir l’opportunité de le mettre en sécurité. Avant de publier des vidéos, flouez toujours les corps des personnes qui sont masquées. Consultez ce tutoriel si vous ne savez pas comment faire.

Nous apprécions que la couverture de la manifestation par Document Everything utilise toutes ces techniques ; les individus dans le black bloc sont floués et les cibles des actions sont filmées plutôt que les personnes qui les attaquent. Au cours de l’attaque de la voiture de police, l’écran devient noir et on n’entend que les bruits de destruction. La couverture de 99% Médias a également brouillé les individus qui ont brisé la voiture, mais nous aimerions critiquer qu’ils ont publié des images rapprochées en haute-définition d’individus masqués non-floués en train de tirer des feux d’artifice sur des flics – personne n’a une tenue parfaite dans un bloc et ce genre d’images font en sorte que les gens se retrouvent en cellule.

Malheureusement, Document Everything, subMedia et quelques autres journalistes indépendants qui sont clairement de notre côté ont été attaqués par le bloc – nous aimerions que les personnes dans le bloc ne soient pas sans distinction envers les personnes avec une caméra. Jetons de la peinture et fracassons les caméras de tous les médias de masse sans hésitation, mais prenons aussi le temps d’expliquer aux médias indépendants quelles pratiques nous mettent en danger. Inversement, Maxime Deland (dont les photos incriminantes ont été publiées plus tard par TVA Nouvelles et qui semble être le photographe des médias de masse attitré pour aller dans les manifestations conflictuelles) est passé inaperçu dans le bloc parce qu’il ressemblait à un journaliste de médias indépendants – voici son visage pour la prochaine fois.

CONTRE LA POLICE, PAS QUE CONTRE LEUR BRUTALITÉ

Nous sommes content.es que cette année, le COBP ait décidé de cesser d’utiliser cette stratégie ratée de dénoncer les pires comportements de la police et a fait appel à des actions directes décentralisées contre elleux, tout en exprimant leur inspiration par plusieurs attaques contre la police et la surveillance au cours de l’année dernière. Le COBP a explicitement appuyé le conflit avec la police dans son communiqué le lendemain de la manif :

« Nous applaudissons tous les groupes autonomes qui se sont mobilisés pour le 15 mars et qui s’organisent toute l’année pour construire un rapport de force contre le SPVM et contre toutes les forces de police … »

« … Nous avons assisté à un 15 mars proactif, avec des actions diversifiées, offensives et efficaces. »

« Nous saluons la façon dont les militants se battent contre l’État policier et cela malgré la violence de la réponse. »

Nous aimerions que la manif de l’année prochaine soit appelée contre la police, point. Cette année, l’itinéraire a été choisi en fonction des endroits où ont eu lieu les meurtres par la police dans les années passées et d’une reconnaissance symbolique de la lutte contre l’embourgeoisement à Hochelaga. Marcher dans les rues résidentielles de Centre-Sud pendant une demi-heure pour atteindre cet objectif symbolique de commencer à Hochelaga ne nous a pas paru utile. Nous pensons que pour les prochaines années, il fait plus de sens de prioriser des routes qui nous offrent des avantages de combat, parce que la meilleure forme de mémoire est la révolte.