Ces lignes répondent à un article paru dans Tinderbox, un journal hors-ligne d’anarchie combative.
Fin 2010 un acte individuel de désespoir dans la ville de Sidi Bouzid a déclenché un bouleversement audacieux, enragé et joyeux qui a voyagé à travers l’Afrique du Nord jusqu’au Moyen-Orient et au-delà. Les populations ont défié les systèmes oppressifs dans lesquels elles étaient immergées depuis des générations et se sont rassemblées dans les rues pour renverser les élites politiques à leur tête. Les autorités, d’abord stupéfaites par cet esprit courageux qu’elles ne pouvaient pas comprendre, ont alors délivré une réponse cynique et brutale.
Cette défaite est toujours en train d’être infligée aux populations de la région, et elle est aussi ressentie dans le monde entier par celles et ceux qui se sont tenus en solidarité avec les soulèvements mais qui ont été pour la plupart incapables de surmonter leur impuissance tandis que les soulèvements étaient massacrés.
Les horreurs dans la région durant la dernière décennie sont nombreuses. Pour en nommer quelques unes qui me restent le plus en tête : Sissi a ramené l’Égypte au temps d’une dictature militaire avec le soutien matériel des États-Unis. Les régimes dans les autres pays nord-africains sont en train de paver tout signe de liberté pendant que les pays européens les persuadent de fermer les routes migratoires sur la Méditerranée. Sans les campagne militaires meurtrières du Hezbollah et du CGRI en Syrie, Assad n’aurait pas survécu au soulèvement. Le régime iranien lui-même a brutalement réprimé trois différents soulèvements dans le pays au cours de la dernière décennie. La plupart des gens au Liban sont dans une lutte quotidienne pour la survie à cause de la cupidité de ses dirigeants politiques pendant que des foules aux ordres du Hezbollah répriment des manifestations de rue. Au début des soulèvements, le Hamas, qui a abattu des opposants politiques en plein jour dans les rues de Gaza, a éliminé les tentatives d’un soulèvement en rassemblant les organisateurs des manifestations et les menaçant de meurtre. Les dirigeants dans la région ont compris une fois de plus qu’ils peuvent utilisé tous les moyens contre les populations sous leur contrôle sans réel empêchement de l’extérieur. Indifférence, cynisme et opportunisme l’emportent sur les appels moraux, et les alliances stratégiques sont toujours en jeu. Le monde continue de tourner. Pour celles et ceux d’entre nous qui n’ont pas regardé ailleurs, comment ne pouvons-nous pas voir un lien entre Assad bombardant des villes syriennes jusqu’à la saturation et Netanyahou en train de raser Gaza ?
Les auteurs et autrices de « Vers la dernière intifada » (Tinderbox n°6) ne reconnaissent pas ces expériences de la dernière décennie. Au lieu de cela, ils et elles proposent de rejoindre le camp opposé d’une alliance géopolitique américaine (en maintenant le centralisme américain à leur propre façon). Selon elles et eux, l’Axe de la Résistance montre la voie à suivre aux anarchistes pour lutter contre l’empire. Cet article semble confondre résistance avec « la Résistance ». C’est-à-dire, qu’ils et elles font tomber toute forme de résistance de gens en Palestine, et plus largement dans la région, dans une représentation particulière, adoptant un terme parapluie utilisé par les États, les militaires, les organisations para-étatiques/para-militaires pour décrire leurs propres activités. Les auteurs et autrices de l’article mettent en garde les anarchistes contre une trop grande sensibilité à la hiérarchie – comme si c’est le seul aspect de « la Résistance » que les anarchistes pourraient trouver difficile à accepter.
Cela fait maintenant un an après l’incursion sanglante du Hamas en Israël. À part les discours, les accomplissements de la Résistance jusqu’ici sont : le Hezbollah a lancé des roquettes inefficaces qui ont seulement infligé des dommages significatifs à un village druze, les dirigeants iraniens s’occupent en faisant des appels vers l’Occident pour régner en Israël, des milices en Irak ont attaqué quelques bases militaires US dans le pays au début et puis sont tombées dans le silence, tandis que seuls les Houthis semblent avoir pris « l’Unité des Fronts » de Nasrallah au sérieux. Ils ont réussi à perturber des routes maritimes mondiales et porté des attaques aériennes inattendues sur Israël. Entre-temps, Israël a anéanti la direction du Hezbollah, lance des bombes sur le Liban quotidiennement, bombarde régulièrement des sites en Syrie sans représailles, et commet des exécutions à Téhéran. L’Axe de la Résistance et l’Unité des Fronts sont de simples slogans qui masquent les affaires stratégiques entre les organisations politiques, autoritaires et les États avec leurs propres intérêts (souvent différents). C’est illusoire de le voir comme quelque chose d’autre. Et Israël qualifie de bluff « la Résistance » avec une escalade militaire exponentielle.
Les massacres d’Israël à Gaza, avec le soutien matériel des pays occidentaux, sont incessants. Le régime d’apartheid en Cisjordanie et Israël a été bâti pendant des décennies, laissant presque aucun oxygène à respirer pour celles et ceux vivant sous son contrôle. Face à cette triste réalité et une accablante impuissance d’y mettre fin, les anarchistes sont peut-être à la recherche d’une résistance efficace (ou plutôt, semble-t-il, d’une image de celle-ci). Mais si nous voulons combattre l’oppression, nous ne pouvons pas nous contenter avec une quelconque opposition. Choisir de rejoindre un système autoritaire, militariste contre un autre ne mettra pas fin aux horreurs de ce monde – ni dans ce conflit ni dans aucun autre. Ce n’est ni intrinsèquement défaitiste ni un signe d’indifférence privilégiée de refuser de prendre parti entre groupes et États belliqueux. Nous arrivons à cette conclusion seulement si nous réduisons la réalité à des représentations simplistes. Au lieu de cela, en s’ouvrant à la complexité et la spécificité, l’agir anarchiste peut être un effort libérateur. C’est là que nous pouvons trouver des affinités, construire des relations sur une base différente, et rassembler la force et le courage – ou peut-être, l’humilité et la passion – pour l’attaque. Les anarchistes trouvent leur efficience lorsque ils et elles peuvent ébranler et détruire des systèmes oppressifs. Nous ne la trouverons pas dans une prouesse militaire qui, en fin de compte, produit plus d’oppression et de misère. Et donc celles et ceux qui ont un esprit qui leur est propre et la mémoire des révoltes passées combattront pour un autre soulèvement. Depuis la côte nord de la Méditerranée, avec un cœur lourd et une âme en feu Début octobre 2024
Une manif pour la Palestine a pris d’assaut l’Université Concordia dimanche soir. Plusieurs vitrines de commerces de luxe sur la rue Sainte-Catherine ont également été fracassées. La police a été tenue à distance par des jets de cocktails molotov.
Au courant de l’année 2022 est apparue au Québec une nouvelle « organisation politique » séparatiste à caractère ultranationaliste baptisée Nouvelle Alliance (NA), en référence assumée à l’Alliance Laurentienne, une association d’extrême droite animée entre 1957 et 1963 par l’auteur et militant réactionnaire Raymond Barbeau (1930-1992)[i].
Depuis sa création, NA a mené à Montréal et ailleurs au Québec une série d’actions (commémorations solennelles, campagnes d’affichage, accrochages de bannières, veille au flambeau, etc. Voir l’annexe pour une liste non exhaustive des actions.) rappelant directement le modus operandi privilégié au cours des dernières années par d’autres formations d’extrême droite, comme le groupe néofasciste Atalante Québec et l’éphémère Front canadien-français (FCF). Les membres fondateurs et principaux militants de Nouvelle Alliance sont d’ailleurs d’anciens membres de ce dernier groupuscule, proche émule des cercles ultracatholiques fascisants du Québec, ce qui n’a bien sûr rien d’une coïncidence, quoi qu’en disent les principaux intéressés.
En octobre dernier, le média indépendant Pivot.media faisait paraître un excellent article sur Nouvelle Alliance (que nous vous encourageons fortement à consulter) exposant certaines des contradictions qui caractérisent le groupe.
Une prétention en particulier relevée dans cet article nous semble à la fois hautement saugrenue et digne d’une étude plus attentive : celle voulant que Nouvelle Alliance ne soit « ni de droite ni de gauche ». Cette affirmation, comme nous le verrons, n’a jamais vraiment résisté à l’épreuve des faits, mais un développement récent est venu la disqualifier sans appel. Le 16 février dernier, les militants de NA ont mené une action devant le bureau du ministre fédéral de l’Immigration en y déployant une bannière déplorant une prétendue « subversion migratoire », reprenant une obsession centrale de l’extrême droite, ainsi que la revendication nationaliste classique des « pleins pouvoirs » en matière d’immigration. Quatre jours plus tard, ils doublaient la mise en mettant en ligne une vidéo dénonçant « l’immigrationnisme », en soi un terme forgé par l’extrême droite en France et repris depuis par la droite libérale, la « submersion » migratoire ainsi que le « remplacement » de population, en référence voilée à la thèse du « grand remplacement », une autre affabulation développée au sein de l’extrême droite française.
On le voit bien, malgré sa prétention d’être « ni de droite ni de gauche », NA met de l’avant dans cette séquence d’actions un message qui reprend le vocabulaire de l’extrême droite française, lequel est également en vogue dans les cercles d’extrême droite européen et nord-américain. Ce cadre référentiel « nationaliste » (au sens euphémistique cher aux mouvements identitaires, fascistes et néonazis) explique aussi sans doute la popularité du groupuscule sur les médias sociaux auprès de très nombreux groupes et individus clairement affichés à l’extrême droite.
Le présent article a pour objet de démystifier une fois pour toutes la notion voulant que cette organisation soit politiquement neutre ou inoffensive, de démontrer qu’elle s’inscrit de plain-pied dans l’extrême droite contemporaine, de mettre en garde les jeunes militant·es indépendantistes qui, peut-être par naïveté, seraient tenté·es de succomber à leurs discours, et surtout, d’alerter la communauté au danger qu’elle pose afin de faire efficacement barrage à toute tentative d’infiltration des milieux progressistes.
Dans le but avoué « d’apporter la lutte pour l’indépendance dans la rue », Nouvelle Alliance se présente comme une sorte d’avant-garde séparatiste militante et adopte une mise en scène qui n’est pas sans rappeler les rituels de l’extrême droite historique, voire du néofascisme contemporain. Ses militants, presque exclusivement des jeunes hommes – et ce n’est pas fortuit –, semblent soucieux de projeter une apparence conservatrice classique, combinant des codes hypermasculins traditionnels (costumes coupés, apparence soignée, etc.) et une esthétique reprise en partie des mouvements de droite radicale (manteaux d’aviateurs ornés de l’emblème de l’organisation, veillée au flambeau, éléments pyrotechniques, etc.). Ils empruntent aux mêmes précurseurs leur allure bizarrement austère, leur posture quasi militaire et leur ton exagérément grave, souvent catastrophiste.
10 septembre 2023 – Hommage à Montcalm, avec flambeaux et drapeaux du Québec.
23 avril 2023 – Accrochage d’une bannière « Gouverner ou disparaître » avec drapeaux du Québec et fumigènes sur le Pollack Concert Hall de l’Université McGill.
26 novembre 2022 – Rassemblement à Saint-Denis-sur-Richelieu en l’honneur des patriotes.
22 mai 2023 – Manifestation pour la Journée nationale des patriotes.
15 Octobre 2022 – Accrochage d’une bannière « Je suis séparatiste » sur l’autoroute Décarie, dans une circonscription à majorité anglophone.
En plus de ces manifestations ostentatoires, il est avéré que les principaux militants de NA descendent directement de l’éphémère Front canadien-français, dont nous avons démontré les liens étroits avec l’extrême droite québécoise par sa proximité avec des individus comme Alexandre Cormier Denis et Philippe Plamondon (Nomos.tv, Horizon Québec actuel), Étienne Dumas (Mouvement tradition Québec) et la Fédération des Québécois de souche. En plus de l’Alliance Laurentienne de Raymond Barbeau, NA s’inspire aussi, de manière moins transparente, du journal La Nation de Paul Bouchard et des Jeunesses patriotes des frères Walter et Dostaler O’Leary, deux autres précurseurs « séparatistes » d’inspiration fasciste (ou « corporatistes ») et du Centre d’information nationale (CIN) de Robert Rumilly, en plus de faire régulièrement appel à la mémoire du chanoine Lionel Groulx, connu pour ses prises de position réactionnaires et son antisémitisme explicite. On devine aussi parmi leurs inspirations militantes des projets moins marqués à droite, comme le FLQ, les Chevaliers de l’Indépendance, le Mouvement de libération nationale du Québec (MLNQ) de Raymond Villeneuve et le Réseau de Résistance du Québécois (RRQ).
Action du Front canadien-français au printemps 2019, au monument à Dollard des Ormeaux, à Montréal. À l’avant-plan, François Gervais et Suleyman Ennakhili, aujourd’hui militants de Nouvelle Alliance.
Le « cœur laurentien » est une référence à l’Alliance Laurentienne et au journal Laurentie, une inspiration directe de Nouvelle Alliance.
Jean-Philippe Desjardins Warren, étudiant en histoire, est à l’évidence un leader organique de Nouvelle Alliance. Il est aussi le militant du groupe le plus marqué à l’extrême droite. Il relaie ici des copies du journal Laurentie et un livre de l’abbé Wilfrid Laurin, dont les fondateurs de l’Alliance Laurentienne se voulaient les continuateurs.
Le chanoine Lionel Groulx est une référence constante de Nouvelle Alliance, comme il l’était pour le Front candadien-français. Il est ici juxtaposé à des militants indépendantistes des années 1960.
Le slogan « Je suis séparatiste », évoque notamment (mais pas que) le projet politique (fasciste) du journal La Nation, de Paul Bouchard.
Nouvelle Alliance force ici un rapprochement entre Lionel Groulx (réactionnaire) et le syndicaliste Michel Chartrand (progressiste), que presque tout opposait sur le plan social. Cette image à elle seule reflète parfaitement l’impossibilité catégorique de la synthèse que NA dit vouloir opérer.
En outre, un examen rapide de leurs plateformes de médias sociaux (ici sur Instagram, là sur Twitter/X) révèle un très grand nombre de sympathisants (groupes et individus) identifiés à l’extrême droite, affichant par exemple des symboles du fascisme, des courants identitaires européens, de l’ultranationalisme ou du nationalisme blanc, de l’Alt-Right, etc. Il faudrait être bien naïf pour croire que la convergence de tous ces éléments relève du hasard et de la coïncidence.
Les animateurs du journal Le Harfang (l’organe de la Fédération des Québécois de souche) ne s’y trompent pas : Nouvelle Alliance n’est rien de plus qu’un inoffensif regroupement de patriotes! C’est pourquoi ces fascistes notoires leur témoignent toute leur solidarité!
Les frasques de Nouvelle Alliance leur ont attiré une certaine attention sur les médias sociaux, au-delà de leur cercle de sympathie.
Bien dit…
L’un des membres les plus flamboyants de NA, Aurélien Nambride, affiche quant à lui sa fierté de représenter au Québec le Rassemblement National (RN, anciennement Front National), une formation dont il est peut-être inutile de rappeler qu’elle a été fondée par d’anciens nazis et qui, malgré tous les efforts de « dédiabolisation » déployés au fil des ans, est à tout jamais ancrée dans l’univers culturel et politique néofasciste. Nambride ne cache pas non plus son admiration pour le parti Alternative für Deutschland (AfD), une autre formation résolument campée à l’extrême droite (vois le clip vidéo ci-dessous).
Le militant de Nouvelle Alliance, Aurélien Nambride, dit représenter l’aile jeunesse du Rassemblement National au Québec.
Aurélien Nambride est un habitué des congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois. À notre connaissance, le PQ n’a jamais pris acte des invitations qui lui ont été lancées à prendre ses distances d’avec ce petit facho.
Faux-culs et faux-semblants… le gaslighting comme stratégie politique
Les militants de NA insistent donc pour répéter à qui veut l’entendre qu’ils ne sont « ni de droite ni de gauche[iii] ». Pourquoi ce faux-fuyant? Ça ne devrait pourtant pas être bien compliqué pour ces jeunes réactionnaires de s’affirmer franchement pour ce qu’ils sont effectivement, plutôt que de louvoyer et de s’incruster dans un pitoyable déni. C’est on ne peut plus hypocrite pour une organisation de porter aussi clairement sur sa manche un projet politique, de le nier en même temps, puis de prétendre vouloir rapprocher les nationalismes par-delà la « gauche » et la droite afin de réaliser l’indépendance autour d’un projet à définir ultérieurement. Il est important de le reconnaître, puisque le procédé lui-même cherche à faire croire qu’ils n’ont pas d’intention ultérieure, qu’ils ne mettent pas eux-mêmes de l’avant une vision politique à laquelle ils voudraient faire éventuellement conformer « le pays » réalisé.
À notre avis, cette défilade repose sur une confusion délibérée, stratégique, des genres politiques : une redéfinition confusionniste des catégories « gauche » et « droite », assortie d’un gaslighting systématique (c.-à-d. que ce que l’on voit et perçoit par nos sens et notre raisonnement serait en réalité tout autre chose; il nous faudrait les croire sur parole!), visant à ouvrir sur la droite le faisceau des idées politiques acceptables (la fenêtre d’ Overton) dans le champ indépendantiste.
C’est essentiellement le même procédé qu’emploie systématiquement l’idéologue Mathieu Bock Côté à une échelle beaucoup plus grande. C’est en fait toute la thèse de son dernier livre[iv], qui semble précisément mis au point pour outiller conceptuellement la nouvelle génération de nationalistes réactionnaires que représente Nouvelle Alliance. MBC y répète par exemple – comme il le fait sur toutes ses tribunes – que l’extrême droite est une catégorie « fantomatique » que fabuleraient aujourd’hui le « régime diversitaire » dominant, qu’il assimile carrément à l’antifascisme[v]! Ce dernier, explique MBC, aurait en quelque sorte inventé la catégorie « extrême droite » dès les années 1920, non pas en premier lieu pour s’opposer à la montée du fascisme en tant que tel, mais pour diaboliser tous les ennemis du communisme en les regroupant sous une même étiquette!
« On en arrive ici au cœur de la thèse du présent ouvrage : ce n’est pas “l’extrême droite”, entité politique fantomatique et catégorie indéfinissable, qui menace notre démocratie, mais bien plutôt l’usage que le régime diversitaire fait du concept d’extrême droite pour frapper d’interdit, censurer ou fasciser toute forme de dissidence[vi]. (…) Au fond des choses, on retrouve ici la logique de l’antifascisme, qui conditionne profondément l’imaginaire politique démocratique, et structure encore son rapport au conservatisme. L’histoire de l’antifascisme n’est pas d’abord l’histoire de la lutte contre le fascisme mais celle de l’assimilation au fascisme des adversaires du communisme, et même du socialisme. (…) L’antifascisme dès son apparition, a d’abord eu pour fonction de désigner ceux qui s’opposaient résolument au communisme non pas en affirmant qu’il allait trop loin, tout en reconnaissant la noblesse de ses idéaux, mais bien parce qu’ils le rejetaient fondamentalement[vii]. »
Voilà un révisionnisme qui ne manque pas d’audace, quand on sait que le fascisme s’est d’abord et avant tout défini par son opposition au communisme, qui le précédait de plusieurs décennies et menaçait alors tangiblement l’ordre capitaliste un peu partout en Occident! De là à prétendre que le fascisme n’a jamais vraiment existé que dans l’œil de ses ennemis, il n’y a qu’un pas, que MBC franchit allègrement. Comme si ces mouvements politiques ne faisaient pas depuis maintenant un siècle l’objet de vastes champs d’études historiques et sociologiques, et comme si les résurgences contemporaines de l’extrême droite – de la Nouvelle Droite européenne à l’Alt-Right étatsunienne, en passant par les mouvances néonazies et les partis de droite radicale – n’avaient aucune substance réelle et n’étaient que le fruit d’une imagination communiste délirante!
Si l’étiquette peut effectivement être employée pour circonscrire un ennemi politique, de 1) c’est un procédé dont MBC fait lui-même abondamment usage (il qualifie par exemple ses ennemis de « wokes » ou Québec Solidaire de parti de « gauche radicale » pour mieux les disqualifier), et qu’il ne peut donc reprocher à personne, et de 2) il est absolument malhonnête de réduire l’emploi du terme à ce seul usage. L’extrême droite n’est d’ailleurs pas plus « indéfinissable » qu’elle est fantomatique. Au contraire, même sans être sociologue patenté ou sans se limiter aux sources de la gauche radicale, on peut sans difficulté en trouver des définitions raisonnablement consensuelles. Contentons-nous pour l’exercice de consulter la rubrique Wikipedia pour « extrême droite », qui est une source aussi légitime qu’une autre et regorge de références pour quiconque souhaite creuser la question davantage. MBC, qui est lui-même un des principaux passeurs des idées d’extrême droite dans des médias privés les plus consultés, écoutés et regardés au Québec, en plus de jouer un rôle considérable en France comme faire-valoir des formations d’extrême droite (le Rassemblent national et le parti Reconquête d’Éric Zemmour) sur les plateformes que contrôle le multimilliardaire ultracatholique Vincent Bolloré, ferait peut-être mieux de potasser ses définitions plutôt que de dire de la marde. À moins bien sûr que « the marde is the medium » et qu’il ne s’agisse en fait que d’un moyen pour lui d’empoisonner le puits et de favoriser systématiquement la résurgence de l’extrême droite dans les sociétés où il exerce son influence toxique. Toujours en le niant farouchement, évidemment.
L’une des innombrables chroniques de Mathieu Bock Côté où il donne la preuve qu’il vit dans un monde imaginaire.
Quoi qu’en disent les principaux intéressés, le rejet plus ou moins radical de l’immigration[viii] est un point commun à tous les mouvements d’extrême droite, et c’est un élément de discours central de presque tous les groupes et individus mentionnés dans cet article jusqu’ici[ix]. C’est en tous cas une obsession maladive de Mathieu Bock Côté et, manifestement, une préoccupation majeure de Nouvelle Alliance, comme nous le verrons plus loin.
Nous avançons ici l’hypothèse que les militants de Nouvelle Alliance forment en fait une espèce de « jeunesse bockcôtéienne » qui ne dit pas son nom; on retrouve chez eux comme chez l’autre le même déni confusionniste, le même gaslighting corolaire, le même nationalisme faussement libéral et le même jupon fascisant dépassant des mêmes atours bourgeois tenant de la même coquetterie rétrograde. La principale différence entre eux est la volonté exprimée par le jeune groupuscule de faire sortir le nationalisme (ou la « lutte pour l’indépendance ») dans la rue, ce qu’on ne peut certes pas reprocher à MBC[x]. Nouvelle Alliance est pour ainsi dire l’inévitable incarnation des idées que propage Mathieu Bock-Côté (et d’autres comme lui) depuis une quinzaine d’années, mais sur un mode militant reprenant les recettes déjà employées par des formations plus ou moins fascisantes, comme Atalante Québec, elles mêmes inspirées d’initiatives similaires en Europe (voir CasaPound, Groupe Union Défense, etc.).
L’essentiel à retenir ici est que sous une rhétorique faussement neutre, et en dépit du gaslighting qui sous-tend toute la démarche, NA est sans conteste une initiative rangée loin sur la droite du spectre politique et dont le projet immédiat est précisément de tirer le milieu nationaliste québécois vers la droite, notamment par une stratégie entriste dans les formations politiques traditionnelles comme le Parti Québécois et le Bloc Québécois. En se disant « ni de droite ni de gauche », elle cherche sans doute en partie à attirer vers elle des militant·es indépendantistes aux penchants progressistes, mais plus qu’un appel du pied aux « nationalistes de gauche », l’intention réelle de cette confusion cultivée est de consolider le bloc de droite en favorisant une tolérance accrue des éléments de discours de l’extrême droite nationaliste (notamment sur la question de l’immigration et de l’évolution démographique) parmi les segments conservateurs plus classiques ou libéraux. Le but visé est en réalité une tolérance mutuelle entre la droite traditionnelle et l’extrême droite et une normalisation culturelle de cette dernière de manière plus générale, qui doit à terme se traduire par des transformations politiques sur le plan institutionnel.
Le militant de Nouvelle Alliance, Émile Coderre, est visiblement très impliqué au Bloc Québécois. Il annonce ici son intégration à l’équipe du député bloquiste Martin Champoux.
Les militants de Nouvelle Alliance participent régulièrement aux congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois.
Plusieurs militants de Nouvelle Alliance au congrès du Comité national des jeunes du du Parti Québécois, en août 2023.
Ça n’est pas d’hier que les militants de Nouvelle Alliance visent à se rapprocher du Parti Québécois… Les voici avec Pascal Bérubé en 2019.
Le sympathique compte Twitter/X Le troupeau de petits Elon cherche depuis longtemps à attirer l’attention sur les tentatives par les militants de Nouvelle Alliance d’infilter les instances du Parti Québécois.
À certains égards, le pseudo-centrisme droitisant du régime politique actuel représente déjà une synthèse du libéralisme économique dominant et du repli identitaire que prônent des formations comme NA. La rivalité dans l’outrage observée ces derniers temps entre la Coalition Avenir Québec et le Parti Québécois sur diverses questions liées à l’immigration (généralement rabattues sur les seuils et la « capacité d’accueil ») donne à penser que le contexte actuel est particulièrement favorable à cette dérive[xi].
Et que propose concrètement cette soi-disant nouvelle alliance?
NA dit vouloir réaliser l’indépendance dans les plus brefs délais avant de définir un projet démocratique pour un Québec indépendant, au lieu de d’abord définir un projet pour le réaliser de manière démocratique par la suite. Autrement dit : faisons l’indépendance aujourd’hui, et le processus lui-même s’occupera de définir ce que cela implique concrètement. On ne peut donc inférer le genre de pays que ces messieurs aspirent à créer que sur la base de leurs influences, de leurs filiations, du milieu dans lequel ils opèrent et enfin, des positions qu’affiche plus ou moins ouvertement l’organisation.
Sur le plan de l’immigration et de la future composition de la société québécoise, l’affaire est entendue. Le nationalisme de repli identitaire que met de l’avant Nouvelle Alliance revendique explicitement un droit de priorité et de supériorité nationale de la majorité historique québécoise de souche canadienne française. De sa récente vidéo, qui recycle sur un mode paranoïaque la sempiternelle revendication nationaliste du rapatriement des « pleins pouvoirs » en matière d’immigration, on comprend qu’implicitement, le groupe milite en fait pour une réduction drastique de l’immigration dans le but de préserver la prédominance démographique de cette majorité historique. Dans l’éventualité où une telle « organisation politique » ou une autre formation inspirée par celle-ci venait à imposer son programme, il va sans dire qu’elle prendrait des mesures draconiennes pour restreindre l’immigration de manière générale, voire la freiner tout à fait, avec ce que cela implique de conséquences.
Capture d’écran tirée de la vidéo anti-immigration mise en ligne par Nouvelle Alliance le 20 février 2024.
Transcription de la vidéo
« Le 25 janvier dernier, le Québec a franchi la barre des 9 millions d’habitants. Qu’on se le dise, cette montée de la population est loin d’être un second baby-boom. Depuis trop longtemps, le Canada cherche à accomplir son utopie postnationale par une immigration toujours plus intensive.
Bien qu’on nous assure le contraire à Ottawa, c’est bel et bien la mise en œuvre des plans du « Century Initiative », qui se joue devant nous : faire du Canada un pays de 100 millions d’habitants en 2100.
Les élites politiques, économiques et médiatiques canadiennes ambitionnent d’aller au-delà de l’État-Nation pour devenir le premier pays sans attachement identitaire.
S’il s’agit du but premier de cette immigration de masse, elle en cache pourtant un autre : faire diminuer notre poids démographique et notre influence politique pour en finir avec nos revendications nationales. Cette tactique n’est pas nouvelle. Elle est directement héritée du Rapport Durham : diluer une population insoumise en la remplaçant par une autre qui sera fidèle au régime. Un truc vieux comme le monde. Un calcul froid et machiavélique. On n’est pas dupe : la démographie fait l’histoire. Notre nombre est notre force.
Quand sera-t-il de l’avenir culturel du Québec? Qu’en sera-t-il de la majorité canadienne française ? Si rien n’est fait pour renverser la tendance, ça sera un point de non-retour. Nous deviendrons une minorité sur la terre de nos pères, car c’est une véritable submersion qui se produit sous nos yeux.
Notre génération doit avoir le courage de nommer le réel tel qu’il se présente à nous, sans haine, dans une démarche constructive, et chiffres à l’appui.
On le fait par devoir citoyen, mais aussi pour laisser à nos enfants un endroit où ils demeureront maîtres chez-eux.
Il ne s’agit pas de condamner personnellement les gens qui sont nouvellement arrivés au Québec. Ce qu’on dénonce, c’est l’immigrationisme comme modèle de développement socioéconomique et ceux qui s’en servent comme outil politique.
Si on veut être pleinement maître de nos frontières et de nos politiques d’immigration, une seule solution s’impose : l’indépendance du Québec, maintenant, pendant qu’il en est encore temps. »
NA s’inscrit ici dans la longue histoire des récriminations au fédéral en matière d’immigration et reprend volontiers à son compte la théorie du complot voulant que le méchant Canada « inonde » le Québec d’immigrants « fidèles au régime » pour étouffer les aspirations du peuple québécois à sa souveraineté politique. Quand une organisation commence ainsi à parler publiquement de « submersion » et de « subversion migratoire », on conviendra qu’il est tout naturel d’évoquer, au minimum, sa parenté avec les mouvements d’extrême droite…
Sur le plan socioéconomique, quoi qu’en pensent les militants de NA, il existe des différences absolument irréconciliables entre visions « de gauche » et « de droite », et une infinité de nuances possibles entre les deux. Il va sans dire qu’avant d’accorder sa confiance à un regroupement marginal de petits messieurs nationalistes peignés sur le côté, on voudra savoir à quelle enseigne ceux-ci logent vraiment en matière de production et de distribution de la richesse, de rapports économiques, de solidarité et de protections sociales, de relations de travail, etc. Au-delà des poncifs sur les méchants banquiers anglais, rien ne porte à croire que NA envisage un avenir post-capitaliste pour le Québec indépendant, et si son approche socioéconomique repose d’entrée de jeu sur une collaboration de classe pour réaliser l’indépendance, il y a fort à parier que sa version d’un Québec souverain en est une où les rapports de classe resteront intacts.
Sur le plan de la décolonisation, NA ne dit rien de la souveraineté des peuples autochtones, et encore moins de sa préséance sur la souveraineté du Québec. Aucun projet de société en Amérique du Nord ne peut faire l’économie d’une réflexion approfondie sur la décolonisation, la restitution du territoire, la réconciliation des peuples et la guérison authentique des traumatismes générationnels. Les mouvements nationalistes québécois – généralement prompts à dépeindre le Québec en victime plutôt qu’en agent du colonialisme – ont plus souvent qu’autrement fait preuve de mépris à l’égard des revendications autochtones, ou dans les meilleurs cas, de considérations symboliques rarement assorties de démarches concrètes. Il s’agit à notre avis, d’une priorité absolue, et non d’un enjeu secondaire.
Sur la question écologique, rien de concret non plus. Leur vision d’un avenir écologique pour le Québec, pour peu qu’ils en aient une, pourrait facilement servir de prétexte à recentrer les préoccupations anti-immigration propre à l’extrême droite et aux courants écofascistes.
Sur le plan de l’équité de genre, Nouvelle Alliance ne laisse rien présager de bon non plus. Les femmes sont essentiellement absentes de leurs actions (à part sous forme de token, pour les photos), et celles dont on sait qu’elles sont liées à l’organisation affichent des positions d’extrême droite (voir ci-dessous). Ce déséquilibre dans le genre a sans doute à voir avec la présentation rébarbative du groupuscule, mais aussi peut-être avec la pression supplémentaire à la reproduction placée sur les femmes de la population majoritaire, la contrainte au « réarmement démographique », qui constitue un corolaire évident du repli identitaire et du discours anti-immigration…
Ce ne sont là que quelques unes des considérations essentielles qu’il faut examiner en profondeur AVANT de commencer à parler d’un projet d’indépendance, et non après. À plus forte raison si les individus qui se présentent aujourd’hui comme l’avant-garde séparatiste affichent déjà des tendances réactionnaires confinant au repli ethnique et au rejet de la diversité.
Qui sont les principaux militants de Nouvelle Alliance?
Section de Montréal
La section de Montréal est la première à avoir été créée, et la plus nombreuse si l’on se fie aux photos des différentes actions et évènements.
François Gervais est d’abord apparu sur notre radar lorsqu’il s’est pointé avec son ami Suleyman Ennakhili dans la grande manifestation pour le climat du 27 septembre 2019 en brandissant un drapeau Carillon Sacré-Cœur (emblème sacré du nationalisme réactionnaire). Tous deux faisaient alors partie du maintenant défunt Front canadien-français (FCF). Le jeune Gervais avait aussi signé le « Manifeste contre le dogmatisme universitaire » à titre d’étudiant en Histoire et civilisation au Cégep Lionel-Groulx. Nous soupçonnions qu’il était celui qui posait des collants FCF à Sainte-Thérése à cette époque-là.
Si l’on en croit sa signature de cette lettre ouverte d’avril 2021, il était à ce moment-là « représentant jeune » pour Mirabel du Comité national des jeunes du Parti Québécois (CNJPQ).
De simple membre du FCF, on l’a vu prendre du gallon et gagner en influence. Depuis le FCF, on peut dire que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. En effet, on peut considérer François Gervais comme le principal artisan de Nouvelle Alliance. Il en est en tous cas le « président », le porte-parole et le principal visage public. Présent dans la plupart des activités, il semble s’imaginer en grand timonier menant ses hommes vers la gloire immortelle. Le noyau dur de l’organisation tourne autour de sa bande d’amis de la Rive-Nord, certains rencontrés dans le secteur de Pointe-Calumet, dont il est originaire, d’autres dans l’entourage du cégep Lionel-Groulx à Sainte-Thérèse, puis dans la frange brune du mouvement souverainiste. Il étudierait aujourd’hui à l’Université de Montréal et habiterait toujours chez papa et maman dans son secteur natal.
François Gervais a notamment joué une victime d’intimidation dans le merdique téléroman Destinées, à TVA.
Fait anecdotique, mais intéressant pour cerner le caractère théâtral du personnage et de son projet, Gervais a un passé d’enfant-acteur. Il est parfois difficile, en effet, de se concentrer sur le message politique de NA sans être complètement distrait par leur cosplay de masculinité grand-homme-important rétrograde… La principale question qui nous tenaille au sujet de Gervais reste pourtant la suivante : qu’a bien pu faire le « petit Loïc » à ses cordes vocales pour faire fitter cette voix de stentor dans ce frame de freluquet? Qu’en pensez-vous?
Un autre ancien du Front canadien-français, il est originaire de Pointe-Calumet et accompagne souvent François Gervais. Il a étudié au cégep Lionel-Groulx jusqu’à avril 2023, au minimum.
En 2020 nous écrivions à son sujet : « Présent aux actions du FCF, nous l’avions déjà aperçu à deux reprises arborant le Carillon Sacré-Cœur : à la manifestation islamophobe “La Vague bleue” le 4 mai 2019 à Montréal (ironiquement, sous la bannière prolaïcité des nationaux-populistes) et à la grande manif pour le climat du 27 septembre 2019. Originaire de Pointe-Calumet, on lui doit peut-être les autocollants du FCF apparus à Saint-Joseph-du-Lac. »
Suleyman Ennakhili parmi les boomers et les ti-counes assortis de la Vague bleue, le 4 mai 2019, brandissant un carillon Sacré-Cœur sous une bannière prônant la laïcité…
François Gervais et Suleyman Ennakhili dans la grande manifestation pour le climat du 27 septembre 2019, à Montréal. La première fois qu’ils voyaient des antifascistes de proche…
Suleyman Ennakhili exerce sa fougue oratoire à Saint-Denis, le 26 novembre 2022.
Ancien du FCF, il fait partie de la petite bande de François Gervais à l’origine du projet Nouvelle Alliance.
En 2020 nous écrivions : « Résidant de Longueuil et étudiant en Histoire à l’UQAM, ce proche de Jason Mc Nicoll Leblanc ne nous est pas inconnu. Passé par la scène punk, il a gravité quelque temps dans le milieu underground montréalais, à l’époque où il étudiait au Cégep du Vieux-Montréal. Il a ensuite transité vers le métal noir québécois, où il a dû faire de mauvaises rencontres… Plus tôt cette année, il a signé le “Manifeste contre le dogmatisme universitaire” avant de participer aux actions du FCF. Il s’impliquerait par ailleurs au Conseil Jeunesse de la Société Saint-Jean-Baptiste. ». Il a depuis rédigé une brochure sur les patriotes pour le compte du député Xavier Barsalou-Duval du Bloc Québécois.
Depuis, le portrait s’est encore noirci, puisque Jean-Philippe est maintenant le membre le plus ouvertement d’extrême droite de Nouvelle Alliance. Prenons pour preuve cette photo de lui accoutré d’un t-shirt de l’organisation ultraconservatrice (et en voie de dissolution par le gouvernement français) Académia Christiana.
Jean-Philippe Desjardins Warren porte un t-shirt de l’Academia Chistiana, une association d’extrême droite instituée par un des fondateurs de Génération Identitaire.
Jean-Philippe Desjardins Warren lors d’une opération d’affichage à Montréal, à l’hiver 2023.
Jean-Philippe Desjardins Warren à Saint-Denis-sur-Richelieu, le 25 novembre 2023.
Il habite sur la Rive-Sud de Montréal. À l’heure d’écrire ses lignes, il est toujours étudiant à la maîtrise en Histoire à l’UQAM. Il administre vraisemblablement les comptes FB et Instagram « Pensées Laurentiennes ».
Un autre ancien du FCF et suiveux de François Gervais. Il vient de Sainte-Thérèse et aurait étudié à Lionel-Groulx. Il ne brille pas par son courage lors des rencontres avec des militants antiracistes.
Le groupe de hangers-on du Front canadien-français qui allait bientôt former le noyau dur de Nouvelle Alliance. Au centre, Elliot Labrie Laplante, et à côté, avec la moustache molle, Jeremy Racicot.
L’une des recrues « de gauche », c’est aussi le seul membre qui dépasse (largement) les 30 ans. JF est membre du groupe folk Makinaw. Nous avouons avoir du mal à comprendre ce qu’il fait là. Probablement attiré par la fougue nationaliste de ces jeunes militants, il semble en pleine dissonance cognitive, puisqu’il est capable le samedi d’aller voir un show punk antifasciste du groupe Les Sheriffs, et le lendemain de manifester contre « la submersion migratoire » avec les petits racistes de Nouvelle Alliance. Il habite à Beloeil.
J.-F. Carrier, militant de Nouvelle Alliance.
J.-F. Carrier, militant de Nouvelle Alliance.
Ça se discute sans doute, mais pour l’extrême droite, ça ne sera pas possible…
Émile Coderre est originaire de Saint-Germain-de-Grantham, près de Drummondville (et y réside probablement toujours). En 2014, il entre au cégep de Drummondville en Comptabilité et gestion avant de commencer à s’impliquer au sein de son association étudiante (AGECD) en 2015, après s’être présenté pour le Parti Vert du Canada dans la circonscription de Drummond lors des élections fédérales de la même année. Il s’impliquera également au sein de l’ASSÉ, au Comité Régional Anti-Montréalocentrisme pour quelques mois, tout en assistant à différentes instances nationales de l’association. En 2016, il devient membre du SITT-IWW et est présent lors de la création de la branche Drummondvilloise de l’IWW, en 2017. Tout au long de cette période, de 2016 à 2019, Émile participe à des manifestations et événements antifascistes, syndicaux et de gauche au sens large.
Dès les débuts de son implication à l’AGECD, certains de ses comportements sont problématiques (fraude pour des remboursements, comportements antisyndicaux envers l’employé de l’association, manque de respect, de considération, et attitude contrôlante envers ses partenaires amoureuses et les femmes en général), ce qui l’éloigne de la majorité de ses camarades de l’époque. En 2019, il se fait dénoncer pour agression sexuelle, harcèlement et viol par au moins deux personnes. Cette nouvelle marque un tournant. Puis on apprend en 2022 qu’il gravite autour de Nouvelle Alliance, avec qui il fera plusieurs sorties publiques par la suite. Il s’implique présentement au sein du Parti Québécois dans la région du Centre-du-Québec. En mars 2024, il participe au Karaoké souverainiste du PQ dans la circonscription de Johnson en compagnie du très vocal François Gervais au bar la Sainte-Paix de Drummondville (https://www.facebook.com/reel/418171334059616).
Aux dernières nouvelles, il vit encore à Drummondville.
Audrey Gariepy
Ancienne membre du collectif anarchiste Libertad au Cégep du Vieux-Montréal, elle rejette maintenant le féminisme et « la modernité ». À partir de 2021, elle a commencé à faire du street art à saveur royaliste et duplessiste. Son autocollant avec des drapeaux antifascistes marqués du texte « Maîtres chez nous » est un bon exemple de son discours déjà pour le moins décousu à l’époque.
De plus en plus, on l’a vue s’opposer au féminisme, qui priverait les femmes de leur libre choix (celui d’élever des enfants, par exemple), alors que ce sont les politiques rétrogrades de type duplessistes qui cherchent concrètement à priver les femmes de leurs droits et de leur libre choix (celui d’élever ou non des enfants, ou d’avoir accès à l’avortement, par exemple). Son virage vers l’extrême droite se poursuit, avec une affinité affichée envers les groupes racistes et transphobes comme le Collectif Némésis en France.
Elle est souvent la seule femme présente dans l’entourage de Nouvelle Alliance lors de leurs événements.
Audrey Gariepy a souvent été mise de l’avant dans les actions de Nouvelle Alliance.
Audrey Gariepy, ancienne gauchiste, wannabe street artist, wannabe trad wife.
Audrey Gariepy ne cache pas son affection pour des groupes et des thèmes visuels néonazis.
Quelques-unes des références d’Audrey Gariepy sur Instagram. On reconnaît de nombreux projets d’extrême droite, tendances royaliste ou fasciste.
Audrey Gariepy rejette le féminisme et le libre choix des femmes. Elle suit le Collectif Némésis, une autre organisation française d’extrême droite.
Un échantillon des brillantes créations artistiques d’Audrey Gariepy.
Section de Sherbrooke
Une partie des membres de la section sherbrookoise de Nouvelle Alliance.
Nambride est responsable du Rassemblement National (FN) Jeunesse-Canada. Il est originaire de Saint-Germain-en-Laye, en France. Il étudie présentement à l’Université de Sherbrooke. Il appuie ouvertement les partis politiques d’extrême droite en Europe, comme l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), un parti notoire pour son racisme, sa xénophobie et ses liens chroniques avec le néonazisme.
Nambride a créé une controverse en participant au congrès de la jeunesse du Parti Québécois, où il s’est présenté comme représentant du Rassemblement National Canada. Il s’est tout de même dit « agréablement surpris par la sympathie et l’accueil des membres du parti. Certains sont des amis personnels ». Son image figurait même sur l’Instagram du Comité national des jeunes du Parti Québécois. Le PQ ne semble pas avoir pris acte des nombreux appels à se dissocier de Nambride.
Aurélien Nambride au congrès de l’aile jeunesse du Parti Québécois.
On peut voir Nambride à son plus transparent dans les captures d’écran ci-dessous, où il déborde de joie en raison du score de l’AfD aux dernières élections régionales. Un parti de gens « prêts à défendre cette Europe des nations face à l’immigration ».
Aurélien Nambride ne cache pas sa joie devant les succès électoraux de la formation d’extrême droite Alternative für Deutschland.
Étudiant à l’Université Laval, originaire de Gaspé récemment arrivé à Québec, il n’est pas issu des milieux d’extrême droite à la base et, à sa décharge, s’emble s’être distancé du groupe dans les derniers temps. Il avait lui-même publié des photos de l’événement de fondation de la section de Québec sur son IG. (Cet événement a eu lieu au Café au temps perdu, sur Myrand.)
Membre de Nouvelle Alliance, ce résidant de Québec est aussi membre du PQ. Il milite au CNJPQ et fait partie de l’Équipe Mener la charge, qui se présente au conseil jeunesse du PQ.
Il a 23 ans et est bachelier en Sciences politiques appliquées. Il a été représentant jeune de l’exécutif du Parti Québécois de la circonscription de Montarville, puis a été président de l’association étudiante du PQ de l’Université de Sherbrooke durant deux ans. Il a également travaillé pour le député du Bloc Québécois Xavier Barsalou-Duval à son bureau de circonscription, et il travaille actuellement pour le Bloc Québécois. Il se présente au poste de conseiller au CNJPQ parce qu’il pense qu’il est grand temps que l’aile jeunesse mène la charge dans la reconstruction de la grande coalition souverainiste qui va de gauche à droite. Peut-être en raison de la remontée du PQ dans les sondages, Émile semble lui aussi s’éloigner un peu de Nouvelle Alliance, peut-être dans l’espoir d’une carrière au PQ…
Son alias « Ida marie de Lantagnac » nous est familier depuis… la fondation de Montréal Antifasciste en 2017. En 2018, elle s’est notamment fait remarquer dans l’orbite du duo antisémite DMS. Elle entame une maîtrise, après un baccalauréat en Sciences historiques et études patrimoniales. Elle est auxiliaire d’enseignement en études patrimoniales à l’Université Laval.
C’est avant tout une militante du clavier, qui fricote avec Nouvelle Alliance, dont elle prétend être l’une des fondatrices. Elle a participé à une action de graffitis stencils à Québec avec NA (photo sur son IG). Fait à noter, elle fréquente un certain Pierre Courcol, militant identitaire français qui s’est impliqué au Rassemblement National et au sein de la Cocarde étudiante.
Tout va bien mesdames et messieurs, l’honneur est sauf, il y a au moins une (1) femme dans ce party de saucisses…
Conclusion
Quoi qu’en disent ses militants, cette prétendue Nouvelle Alliance constitue une attaque frontale contre les populations immigrantes, les personnes issues de l’immigration, les personnes réfugiées, les demandeur·es d’asile et leurs familles ainsi qu’envers toutes les personnes au Québec qui portent une vision inclusive et égalitaire du vivre ensemble.
Nous ne pouvons pas en bonne conscience les laisser s’infiltrer dans nos espaces avec leur discours toxiques, et nous devons être particulièrement vigilant·es quant à leurs tentatives de recruter dans les établissements d’éducation supérieure. Ils ont déjà commencé à organiser des séances de tractage à l’Université de Montréal et à accroître leur visibilité en apposant des affiches et autocollants dans le secteur de l’université et ailleurs à Montréal, à Québec et dans d’autres localités.
Il est grand temps que le milieu antifasciste se dresse sur le chemin de cette nouvelle alliance réactionnaire.
Annexe
Voici une liste non exhaustive des actions du groupe jusqu’à présent, en ordre chronologique :
Fondation du groupe à Montréal le 26 mars 2022.
21 mai 2022 – Dépôt d’une gerbe de fleurs au Monument aux patriotes, photo de groupe et participation à la marche pour la Loi 101.
20 août 2022 – Altération des panneaux « STOP » de Ville Mont-Royal avec des autocollants « ARRÊT ». Cette action les a fait connaître d’une partie du public, car elle a généré beaucoup d’interactions sous la publication Instagram et plusieurs articles de journaux ainsi qu’une entrevue à QUB radio.
15 Octobre 2022 – Accrochage d’une bannière « Je suis séparatiste » sur l’autoroute Décarie.
26 novembre 2022 – Rassemblement/Marche à Saint-Denis-sur-Richelieu en honneur aux patriotes.
21 janvier 2023 – Rassemblement à la colonne Nelson pour fêter les 75 ans du drapeau québécois.
24 janvier 2023 – Campagne d’affichage à Montréal en l’honneur de Samuel de Champlain.
15 février 2023 – « Pendaison » symbolique de cinq pantins près du pont Jacques-Cartier pour commémorer l’exécution des patriotes le 15 février 1839.
25 février 2023 – Fondation de la section Sherbrooke.
30 mars 2023 – Opération de tractage à l’Université de Sherbrooke.
23 avril 2023 – Accrochage d’une bannière « Gouverner ou disparaître » avec drapeaux du Québec et fumigènes sur le Pollack Concert Hall de l’Université McGill en milieu de journée.
27 avril 2023 – Opération de tractage à l’Université de Sherbrooke.
2-3 mai 2023 – Tags à Québec et à Montréal. (Celui de Québec entraîne une « guerre de tags » à 3 joueurs, avec NA, Québec Antifasciste et Patriotes antifascistes!)
22 mai 2023 – Manifestation pour la journée nationale des patriotes.
1er juillet 2023 – Accrochage d’une bannière « Frontière internationale — Québec libre » sur le pont reliant Gatineau et Ottawa. Accrochage de bannières à Montréal, Québec et Sherbrooke.
12 juillet 2023 – Autocollants « Arrêt » apposés sur des panneaux « STOP » et autocollants « Loi 101 » à Lennoxville. Cette action génère un topo dans le magazine d’extrême droite Causeur.
24 juillet 2023 – Accrochage d’une bannière « 5 siècles de haut » sur la croix de Jacques-Cartier à Gaspé, pour célébrer le 489e anniversaire de la colonisation. (Prestement décôlissée par nos camarades du réseau Brume noire.)
30 juillet 2023 – Fondation de la section Québec.
Août 2023 – Participation de plusieurs membres, dont Aurélien Nambride, au congrès bisannuel du comité national des jeunes du Parti Québécois. La présence de NA irrite de nombreux membres du PQ, mais leur présence est tolérée.
22 août 2023 – Campagne d’affichage à la mémoire de Louis Hébert, premier colon québécois, avec slogan « Maîtres chez nous ».
10 septembre 2023 – Hommage à Montcalm, avec flambeaux et drapeaux du Québec. Leur action la plus codée « facho » à ce jour.
23 septembre 2023 – Nouvelle Alliance fait une apparition à la grande manifestation syndicale du Front Commun. (Ils se font un peu brasser et sortir de la manif par des camarades antifascistes.)
30 septembre 2023 – Accrochage d’une bannière « Le français ma culture, l’anglais la rupture » au Cégep Garneau de Québec.
25 novembre 2023 – Parade pour célébrer la victoire des patriotes à Saint-Denis-sur-Richelieu.
30 novembre 2023 – Opération de tractage à l’Université de Montréal.
10 décembre 2023 – Participation à une marche organisée par la SSJB en hommage aux patriotes à Saint-Eustache.
21 janvier 2024 – Drapeau québécois attaché à la Colonne Nelson pour célébrer les 76 ans du drapeau québécois
16 février 2024 – Manifestation et déploiement d’une bannière « Subversion migratoire » devant le bureau du ministre canadien de l’Immigration, Marc Miller.
20 février 2024 – Mise en ligne d’une vidéo déplorant le « danger de l’immigration » au Québec. (Voir la transcription ci-dessous.)
18 mars 2024 – « Projection politique » à Québec; projection lumineuse de différents messages pro-indépendance.
24 avril 2024 – Conférence intitulée « S’armer d’impatience » à la Librairie Le Livre Voyageur, à Montréal, portant sur les Chevaliers de l’indépendance et du Réseau de Résistance du Québécois (RRQ).
20 mai 2024 (prévue) – Marche pour la Journée nationale des patriotes à partir de la statue de Dollard des Ormeaux au parc Lafontaine, avant de se rendre au square Saint-Louis rejoindre la manifestation annuelle de la SSJB.
[i] Barbeau et l’Alliance Laurentienne cultivait une sympathie pour les mouvements fascistes, entretenait une correspondance avec le néonazi Adrien Arcand et comptait dans ses rangs des membres du PUNC, la formation politique de ce dernier. Barbeau avait notamment ouvert des « Clubs Laurentie » un peu partout dans la province, publiait la revue Laurentie et aspirait à faire du Québec la République de Laurentie. https://www.erudit.org/fr/revues/mensaf/2003-v3-n2-mensaf01359/1024646ar.pdf
[iv] BOCK CÔTÉ, Mathieu, Le Totalitarisme sans le goulag, Les Presses de la Cité, 2023.
[v] MBC opère ici un amalgame entre les positions libérales socialement progressistes et les valeurs révolutionnaires et internationalistes de la gauche radicale, comme si cette dernière avait une quelconque emprise aujourd’hui sur les institutions politiques, économiques et culturelles dominantes… C’est un autre procédé sophistique très répandu chez les passeurs d’idées de l’extrême droite.
[viii] En campagne électorale présidentielle, le chef du parti Reconquête, Eric Zemmour, promettait « zéro immigration » et MBC se lamentait alors qu’on ose associer ce politicien à l’« extrême droite »!
[ix] À l’exception peut-être du RRQ, qui n’en faisait aucune mention explicite dans son manifeste (2008), ce que lui reprochait d’ailleurs la Fédération des Québécois de souche à l’époque.
[x] MBC dénonce régulièrement les goons identitaires, et en retour, les boneheads d’Atalante lui ont reproché d’être un identitaire de salon! À un évènement de MBC à Québec, Atalante avait distribué un tract sur lequel on pouvait lire « La renaissance identitaire se fait par l’action et NON dans des dîners de galas! ». Sur Facebook, le groupe publiait ce commentaire à l’occasion de l’événement : « Mathieu Bock-Côté, sociologue et essayiste, qui pleurniche régulièrement sur la déchéance identitaire au Québec, mais qui est aussi le premier à cracher sur les initiatives qui répondent à l’appel, a eu droit à de cordiales salutations de la part de nos militants, que monsieur qualifiait dernièrement de : “bizarroïdes”, “folkloriques”, “caricaturaux” et “pelés”. […] Nous n’avons qu’un message à lancer! La renaissance identitaire se fait par l’action et NON dans des dîners de gala! Pourtant, c’est dommage, nous qui vous apprécions bien, M. Bock-Côté. » SOURCE : Isabelle Porter, « L’extrême droite de Québec sort de l’ombre », Le Devoir, 2 février 2017; et https://montreal-antifasciste.info/fr/2018/12/19/demasquer-atalante/.
Avant toute chose, un avertissement : ce texte est écrit par et pour des personnes queers et leurs ami-e-s. Il a pour intention de contribuer au débat autour de l’inclusion et des identités, où la validité des personnes queers n’est pas questionnée. Quiconque utilise ce texte pour contribuer à de l’homophobie ou de la transphobie est un foutu crétin.
Quand la porte de la cellule se referme enfin, quand le bruit métallique des clés s’éloigne, tu sais que t’iras pas plus loin aujourd’hui. Enfin tu peux relâcher ton souffle, seul-e avec ton matelas, et être dans ton propre corps à nouveau, ton corps qui n’est plus un problème à résoudre ou une question à laquelle répondre. Simplement ton poids familier sous la couverture, où tu peux trembler encore et encore, et essayer de dormir et de te préparer à ce qui va venir.
J’ai fait de la taule autant dans des prisons pour hommes que pour femmes, et j’en ai beaucoup appris sur le monde dans lequel on vit. Sur le genre et sur comment l’État le perçoit, et sur la façon dont le genre est une forme de contrôle. Ici, dans le territoire appelé Canada, l’État a changé ses règles sur la façon dont ses institutions traitent le genre il y a de ça quelques années. Il a ajouté «l’identité de genre» à la liste des «catégories protégées», comme la race ou le sexe, dans le projet de loi C-16(1). Cela signifie qu’il a fallu s’informer sur comment respecter l’auto-identification de genre.
Dans le monde austère et violent de la prison, la fragilité de ce cadre progressiste du genre apparaît clairement. La société canadienne a une approche – officiellement – positive de la différence, à travers l’inclusion de diverses identités basées sur l’auto-identification. C’est en grande partie le résultat de luttes, mais nous devons aussi être capable de le critiquer pour continuer à lutter pour un monde sans prisons et sans la violence du genre. On se penchera plus tard dessus dans le texte, mais adopter nous-mêmes la vision purement positive de l’identité de genre que véhicule l’État peut nous mener à une compréhension simpliste de (l’hétéro-)sexisme et à défendre les projets de l’État contre les réactionnaires, alors que nous devrions les attaquer à notre façon(2).
Se faire identifier
La prison est l’un de ces rares espaces restants où l’État continue à s’impliquer ouvertement dans la catégorisation des gens par le genre, et à les exposer à un traitement différencié sur cette base. Allongée sur ce matelas merdique, j’étais dans une cellule de l’unité d’isolement de la section femme de ma prison régionale après avoir été identifiée comme trans. Les gardiens m’avaient cuisiné sur mon genre et ma sexualité pendant à peu près deux heures jusqu’à ce que je sois en pleurs, ce qui était horrible, puisque j’essaye d’habitude de ne pas leur montrer grand-chose.
Au niveau humain, je ne pense pas qu’ils agissaient avec malveillance. Le processus était nouveau, la plupart d’entre eux ne s’en étaient jamais chargé avant et ils ne connaissaient probablement aucune personne trans. Et beaucoup des questions posées n’étaient pas les questions officielles. Quand le gardien derrière le bureau s’arrêtait pour taper quelque chose, l’un de ceux sur le côté intervenait avec curiosité : « Donc tu ne t’identifies comme rien, mais tu aimes les hommes ou les femmes ? Tu dois choisir. » Et alors le gardien au bureau continuait « Donc si tu es en surveillance étroite en cas de risque de suicide, et on t’a retiré tes vêtements, tu veux être surveillé par qui sur caméra, un homme ou une femme ? »
Comment tu t’identifies ? Identifie-toi ! Il y a deux portiques de détection menant à deux différentes incarcérations, tu dois t’identifier de façon à ce qu’on sache lequel utiliser.
La pression pour s’identifier avait commencé juste avant l’aube ce jour-là, peu de temps après les détonations des grenades assourdissantes quand les flics avaient enfoncé notre porte. J’étais nue sous un drap, les poignets attachés par des serflex, surveillée par un flic masqué en tenue de protection avec un fusil d’assaut à la main, quand un flic habillé plus normalement est entré. Il m’a annoncé les chefs d’accusation, et m’a ensuite demandé si je préférais qu’un flic homme ou femme me regarde m’habiller. J’ai dit que je m’en fichais. Il est parti chercher une flic femme et a coupé les menottes. Je passais en revu mes vêtements à la recherche de quelque chose qui serait à la fois féminin et chaud, puis j’ignorais leurs sommations pour me dépêcher alors que je me maquillais.
Au commissariat, je gardais un visage fermé alors que le policier me montrait des photos et des documents et me posait des questions. Quand arriva le temps du transfert au tribunal, les officiers de justice me demandèrent qui devait me fouiller, un homme ou une femme. Je dis que je m’en foutais. Ils dirent qu’il fallait que je réponde. Je dis que qui voudrait le faire le pouvait, que je ne pouvais pas les arrêter. Ils décidèrent de me faire fouiller le bas du corps par un homme et le haut par une femme.
Après le tribunal, je fus chargé dans le fourgon dans un box pour un seul prisonnier, classifiée comme « Femme : à maintenir séparée ». Il y avait plusieurs hommes dans les autres box et l’un d’eux commença à plaisanter, m’appelant sa petite-copine. On nous déplaça un à la fois vers la section homme de la taule, placés en cellules les uns à côté des autres, et les plaisanteries continuèrent. Je jouais le jeu nerveusement. J’avais déjà été en prison pour hommes avant, j’y ai parfois été identifiée comme gay, mais j’avais l’air assez différente à cette époque. Les gardiens virent ce qui se passait et me sortirent après quelques minutes. Ils me demandèrent où je voulais être. Je demandais quelles étaient mes options et ils répondirent probablement l’isolement chez les hommes ou l’isolement chez les femmes. Les autres prisonniers parlaient toujours de moi. Je dis chez les femmes. Ce fut la première affirmation que je fis en réponse à une question de la journée.
Construire et affirmer une identité, sur instagram comme dans une salle d’interrogatoire, est une façon de nous faire parler. La prison doit se montrer inclusive de la diversité de genre, et l’inclusion équivaut à une invitation à participer : « Où veux-tu être ? ». Devrais-je me sentir heureuse de me voir inclus dans une prison, affirmée en tant que personne trans, quoique ce mot puisse signifier ? Bien sûr que je suis contente de n’avoir pas vécu davantage de violence, mais est-ce que cette expérience tient vraiment lieu d’une victoire pour celleux qui ont milité pour l’inclusion ?(3)
Il est facile, et pas nouveau, de faire des critiques de l’inclusion, parce qu’il y a tellement de choses que nous préférerions demander – je viens d’une tradition anarchiste où c’est ce que le mot « queer » signifie. Cependant c’est différent de partir de ce que l’inclusion nous fait ressentir dans nos corps, comment elle nous façonne. Les façons dont l’exclusion est violente sont souvent évidentes, mais y at-il aussi une dimension violente à l’inclusion, quelque chose que nous rejetons à juste titre?
Comme point de départ on peut se demander comment l’État voit le genre. Que signifie le mot « femme » dans la phrase « prison pour femmes » ? Quelles sont les conséquences de l’inclusion en tant que femme dans une telle prison ? Comment est-ce que l’État comprend le mot « trans » et comment cette compréhension se manifeste-t-elle par des murs et des barreaux ? L’identité a deux versants, un positif et un négatif. Le négatif renvoie à l’oppression et à la violence, le positif à l’affirmation et à l’appartenance. La première fois que j’ai appris cette distinction, elle portait sur le fait d’être noir-e (je suis blanche). Dans ce contexte, « Noir-e » renvoie à une histoire et à un vécu continu de violence raciste qui produisent certaines personnes comme noires, mais en même temps cela affirme une identité résiliente, une lutte partagée et la culture qui en émerge (4). Un débat semblable est en cours dans ma région autour de l’identité autochtone et le rôle de l’ascendance, de la culture, de l’appartenance, de la violence, du racisme et de la lutte pour construire ces identités.
Le débat sur l’inclusion trans et le discours officiel d’État insistent sur le versant positif, sur l’affirmation – l’auto-identification comme base d’appartenance à une classe reconnue de personnes (pour moi, celle des femmes). Mais cette positivité n’est qu’un vernis, ce qui s’avère particulièrement évident en ce qui concerne la prison, car entre les murs c’est notre affirmation positive, notre autoidentification qui nous expose au versant négatif de l’identité – à savoir la violence genrée des prisons pour femmes.
Être vrai
Dans le contexte carcéral les femmes existent comme « les autres ». La prison est pour les hommes, la prison est masculine, même si le taux d’incarcération des femmes ne cesse d’augmenter. Dans le contexte du patriarcat, une prison qui « ne voit pas le genre », exposerait les femmes à une violence additionnelle que cette société ne sanctionne pas officiellement. Donc, dans un esprit d’égalité bourgeoise, le système carcéral produit une institution séparée pour les femmes, les regroupant sur la base d’un vécu de violence sexiste. Quand l’État commence à voir sa légitimité menacée par l’expérience de violences similaires des personnes queers et trans, celles-ci peuvent être ajouté-e-s à cette catégorie pré-existante sans avoir à changer la nature fondamentale de la prison.
Hommes et femmes sont des catégories signifiantes dans la mesure où il existe un vécu du patriarcat propre à chacun; les femmes trans constituent une identité distincte dans la mesure où elles ont aussi une relation spécifique à la violence du patriarcat (5). La prison fonctionne alors comme une usine : elle trie les corps pour les exposer à des traitements différenciés et les reproduire violemment comme des êtres genrés dans un monde qui a besoin de tels êtres. Être séparé-e ne veut pas dire être égal-e. La façon dont les gens sont traités dans une prison pour femmes n’est pas la même que dans une prison pour hommes. C’est en partie pour répondre à des besoins différents : des vêtements avec des hauts et des bas séparés plutôt qu’une combinaison, l’accès à des serviettes et des tampons, davantage de travailleurs sociaux, moins d’insistance sur la colère dans les programmes et davantage sur le trauma. D’autres aspects sont manifestement sexistes et correspondent à l’application des normes de genre par la prison : un code vestimentaire stricte, une interdiction de se toucher, une dissuasion pour l’exercice physique, et une tolérance limitée pour les conflits et les bagarres.
Au-delà des traitements différents, mêmes les choses qui sont identiques entre les prisons pour hommes et pour femmes ne produisent pas le même effet : les plateaux repas standardisés, les visites, la surveillance et les fouilles, la présence à la fois de gardiens et de gardiennes. Les deux expériences de ces mêmes éléments ont des effets très différents. Développons un de ces exemples : Les prisons provinciales des hommes et des femmes dans l’Ontario servent exactement la même nourriture. Dans la prison pour hommes, on la trouve souvent insuffisante, en partie parce que l’exercice joue un rôle important dans la culture des prisonniers ; il n’est pas rare que les prisonniers sortent de prison en meilleure forme et plus musclés qu’à leur entrée. Dans les prisons pour femmes, s’exercer est fortement déconseillé entre prisonnières et parfois les gardiens le traitent comme une violation des règles. Il est courant pour les prisonnières de prendre du poids rapidement tout en ayant une baisse globale de condition physique du fait d’une inactivité imposée. La société dans son ensemble traite la grosseur de façon fort différente pour les hommes et pour les femmes, donc cette prise de poids est souvent accompagnée de honte et vient jouer avec des troubles alimentaires et d’autres enjeux de santé mentale.
Des repas égaux dans une société profondément inégale produisent un impact global négatif sur les prisonnièr-e-s dans les établissements pour femmes – la prison nuit et contrôle autant par ce qu’elle donne que par ce qu’elle enlève. En ce sens, la prison pour femmes reproduit une vision spécifique du patriarcat à travers les formes de nuisance qu’elle cause et les dynamiques toxiques qu’elle encourage. Nous pourrions faire une analyse semblable de la façon dont les expériences de violence sexuelle et d’objectification rendent les fréquentes fouilles au corps plus pernicieuses, tout comme la présence de gardiens hommes t’observant à tout instant. Ou comment les systèmes de visites et de téléphones restrictifs viennent jouer avec le fait que les prisonnières ont beaucoup moins d’accès à des ressources et à du soutien extérieur que ce à quoi ont accès les prisonniers du côté des hommes.
Pour en revenir à mon histoire, je finis en isolement chez les femmes à la fin de cette première journée. Ce qui est plus ou moins la même chose que l’isolement chez les hommes, superficiellement du moins. La cellule fait à peu près la même taille, son agencement est le même, tout comme le sont les règles étranges comme ne pas avoir droit à des chaussures, et comme la télé qui est à l’extérieur de ta cellule et n’a pas de son. J’ai fini par rejoindre un bloc normal avec d’autres prisonnièr-e-s que le système considérait comme des femmes, mais ça a pris du temps.
Beaucoup de choses horribles se passent en prison. Une grande partie n’en sort jamais, ne devient jamais visible pour celleux qui sont à l’extérieur. Mais il y a des exceptions, la plus notable étant la mort. Si à l’heure actuelle les prisons provinciales dans ma région font l’objet d’une réorganisation pour réduire le nombre de morts par overdose, ce n’est pas parce qu’ils se soucient des prisonniers, mais parce que un corps qui en sort en tant que cadavre est impossible à ignorer. Ils préféreraient ainsi que les prisonniers n’aient aucune activité, aucun livre et aucune lettre plutôt que de risquer que du fentanyl ne puisse trouver son chemin vers l’intérieur. De même, les prisons ne peuvent cacher les grossesses.
Dans son entreprise de tri des corps, la prison a considéré mon corps comme une source potentielle de violence dont l’évitement (ou la gestion) est à l’origine de l’existence des prisons pour femmes. Lors de mes premiers jours en isolement chez les femmes, on m’a dit que je sortirais de l’isolement seulement si je pouvais prouver que j’étais incapable d’avoir une érection. Je n’ai pas mordu à l’hameçon, j’ignore donc ce que le «prouver» aurait pu impliquer. Mais il y a d’autres façons par lesquelles la prison s’assure que tu n’es pas une menace : ils regardent si tu prends des hormones et quelles sont tes doses, ils observent comment tu te présentes à l’intérieur des murs comme à l’extérieur, à ce pourquoi tu te bats contre eux (combien de fois tu les supplieras à la fenêtre de ta cellule d’isolement pour obtenir un rasoir ?). Ils évaluent aussi comment les autres prisonnièr-e-s réagissent face à toi.
À un moment, un sergent est venu et m’a dit que j’avais dix minutes pour me préparer, que j’allais visiter un bloc. Je résistais en disant qu’on ne m’avait pas encore donné de rasoir, alors ils m’en ont ramené un, mais sans démordre sur les dix minutes. Heureusement, comme ça faisait maintenant un mois que j’étais à l’intérieur, des gens m’avaient envoyé de l’argent, donc j’avais déjà pu me procurer du maquillage à la cantine. Je me suis donc précipitée avec le rasoir merdique et j’ai réussi à appliquer du fond de teint sur les coupures avant que ne soient revenus les matons pour m’emmener dans un bloc avec trente autres prisonnièr-e-s.
Je n’ai jamais vécu quoique ce soit de semblable au fait d’entrer pour la première fois dans un nouveau bloc. La seule chose qui change en prison d’un jour à l’autre, c’est les gens, donc tous le monde se scrute les un-e-s les autres et les nouvelles personnes sont de vraies curiosités. Tu dois te rendre inintéressant-e, mais évidemment les gardiens m’avaient amené là pour qu’on parle de moi. Je n’ai passé que quelques minutes dans le bloc durant ma «visite». Quelques personnes m’ont parlé, tout le monde m’a regardé et on m’a sorti à nouveau. C’était profondément gênant. J’ai réussi le test, c’est ce qu’on m’a expliqué plus tard, et ça avait à voir avec le son de ma voix, si je pratiquais le tucking, ce à quoi je ressemblais et comment je bougeais. J’ai une petite corpulence et on m’a dit que ça a aussi aidé. Les prisonnièr-e-s avec lesquel-le-s les gardiens parlèrent se trouvaient d’accord pour dire que j’étais «vraie», alors on m’a bougé dans ce bloc le soir-même.
J’ai entendu beaucoup d’histoires à propos de «fausses» femmes trans, expression qui peut signifier que des femmes trans n’ont pas un bon passing, mais la plupart du temps ça désigne celles qui n’en font pas l’effort. J’ai entendu mes co-détenu-es décrire des agressions ou des avances de la part de femmes trans alors qu’elles étaient à l’intérieur. Je n’ai aucune raison de douter de leurs expériences, car on a passé des mois ensemble et on a fini par se connaître assez bien. Un certain nombre de personnes qui m’ont raconté ces faits étaient aussi les plus accueillante-s avec moi, personnellement. Il semblerait que ce mépris pour les «fausses» femmes trans était proportionnel avec combien mes co-détenues pensaient que les «vraies» devaient être incluses.
Les «vraies» femmes trans ne se battent pas, ne crient pas avec des voix masculines, ne font pas de pompes et ne draguent pas d’autres femmes; à l’inverse, les «fausses» femmes trans aiment tyranniser les autres, font monter leur voix dans les aiguës sauf si ça peut servir à intimider, ne veulent pas d’un corps féminin et leur sexualité est celle d’un homme hétéro. Ça me fait ressentir un truc dégueulasse de répéter ce discours qui fait écho à la pire propagande antitrans. Pourtant, je pense que dans le contexte de la prison, c’était aussi une façon pour ces gens, dont je sais qu’elles ne détestent pas les femmes trans, d’essayer de se protéger les unes les autres.
La distinction entre «vraie» et «fausse» est encore plus bidon que le genre lui-même, mais je veux assumer la manière dont j’y ai participé. Au début d’une période d’un an et demi, dans laquelle j’ai fait trois passages en taule, je suis passée de non-binaire féminin à faire de mon mieux pour avoir un bon passing de femme. Par certains aspects, ce processus s’est avéré très satisfaisant et peut-être que j’aurais fini par le faire de toute façon. Par d’autres, une bonne partie de ma motivation était de ne pas avoir à passer des mois et des mois en isolement. Je comprends encore mon identité de genre comme étant – par essence – imposée, et je m’efforce encore d’avoir un bon passing, même si ça fait maintenant presque un an que j’ai entendu pour la dernière fois la porte d’une cellule se refermer derrière moi.
Ceci dit, je ne pense pas que ce soit un problème d’attitudes individuelles – pas les miennes, pas celles de mes co-détenu-e-s, pas même celles des gardiens-. Je pense que la compréhension progressiste et purement positive du genre est fausse et nuisible, ce que l’adoption par le système carcéral de l’auto-identification du genre a rendu encore plus évident. Je compte développer plus ce point, mais j’y reviendrai plus tard, car je veux d’abord vous raconter une histoire que j’ai entendue à l’intérieur.
Quand identité signifie accès
L’État a une règle selon laquelle il doit fournir des repas répondant aux régimes alimentaires religieux, parmi lesquels le plus compliqué est le kasher, puisqu’il ne s’agit pas que de remplacer une chose par une autre. Donc, les prisons de l’Ontario ont signé un contrat avec une entreprise privée pour les repas kasher, qui sont souvent d’une qualité bien meilleure que les repas standards. Ça fait que les prisonniers essayent constamment de convaincre l’institution qu’iels sont juifve-s, de façon à accéder à de la meilleure nourriture. Les prisons sont alors dans un rôle de contrôle de l’identité juive et fabriquent toute sorte d’obstacles pour celleux qui essayent sincèrement d’observer des règles religieuses.
J’ai entendu récemment qu’un bloc de la prison pour hommes adjacente avait essayé de régler ce problème une fois pour toute en déposant une plainte pour violation des droits de l’homme concernant l’accès aux repas kasher. Ils soutenaient que les règles alimentaires suivies par les personnes juives sont également celles présentées dans les Écritures observées par d’autres religions; il s’ensuit donc que toute personne observant les Écritures Saintes devrait avoir accès à de la nourriture conforme à ces règles. Le tribunal leur a donné raison et, tout d’un coup, des centaines de prisonniers exerçaient leur tout nouveau droit d’accès à de la nourriture kasher. Ça entraîna l’effondrement de l’approvisionnement de repas kasher (ou du moins de la ligne budgétaire correspondante), ce qui a eu pour conséquence que la plupart des prisonniers juifs furent poussés à prendre le régime vegan, puisque les repas kasher se raréfiaient.
Je ne sais pas si cette histoire est vraie. Je ne peux en retrouver aucune trace sur google. Mais j’ai été témoin, autant en tant que prisonnière qu’en tant que personne solidaire, de plusieurs moments de lutte de prisonnièr-e déclenchés au Canada dont la revendication pour l’accès à une meilleure nourriture pour tou-tes tenait lieu de poudrière. Même si cette histoire n’est qu’une fable, elle souligne certaines dynamiques sur la façon dont le changement – sur des bases d’identité – se produit.
Le système carcérale a été obligé d’accepter une définition élargie d’une classe reconnue de personnes et, de ce fait, de fournir un ajustement lié à cette classe, à plus de prisonniers. Autant le système que les prisonniers comprirent cette ajustement comme un privilège dont l’obtention représentait une amélioration des conditions de vie des prisonniers, aussi bien qu’une obligation financière accrue pour l’institution. La prison a alors refourgué ce fardeau à un autre groupe de prisonniers (ici, les prisonniers juifs pratiquants dans leur vie hors murs) tout en essayant de limiter l’accès à l’ajustement (ou au privilège) sur une base différente, plutôt que de remettre en cause l’identité de qui que ce soit.
Vous aurez sans doute deviné où je veux en venir, mais laissez-moi le développer. Le système nécessite d’étendre son contrôle sur le genre pour tenir compte de l’auto-identification, ce qui entraîne une augmentation du nombre de personnes assignées homme à la naissance placées en prison pour femmes (6). Il crée également un chemin plus facile pour quiconque voudrait bouger d’une prison pour hommes vers une prison pour femmes. Les conditions dans les deux établissements sont différentes, comme je l’ai expliqué plus haut, et cette différence se fonde sur la réduction ou la gestion de la violence à laquelle font face les personnes que le système considère comme femmes.
La violence dans les prisons pour hommes, en Ontario comme ailleurs, peut être intense, ce qui fait que beaucoup de gens ont leurs raisons de vouloir y échapper, pas seulement les femmes trans. Les prisons pour hommes essayent de répondre à ce besoin (parce que la prison a du mal à dissimuler les visites à l’hôpital, tout comme les cadavres et les bébés) avec la Détention protégée (DP) , ce qui revient plus ou moins au même que la Population générale (PG), à la différence que toutes les personnes qui s’y trouvent ne se sentaient pas en sécurité dans un bloc normal (7). Beaucoup de queers finissent en DP, mais c’est aussi l’endroit où finissent les personnes accusées de crimes d’ordre sexuel ou de violence contre des enfants, tout comme les personnes qui ont trop de conflits, qui sont dans le mauvais gang, qui ont une mauvaise réputation, qui étaient dans les forces de l’ordre…
L’admission en DP est volontaire, les prisonniers doivent juste en faire la demande, mais une fois que tu es en DP, c’est la plupart du temps impossible de revenir sur ce choix. Au fil du temps, il en résulte que le nombre de prisonniers en DP et en PG se ressemble de plus en plus, tout comme leurs niveaux de violence. Alors où va-t-on pour échapper à la violence de la DP ? Il y a eu un développement de nouvelles formes d’isolement ces dernières années (8). De plus en plus de queers se retrouvaient à purger la totalité de leur peine en isolement, ce qui ne fait qu’aggraver le problème préexistant de surpopulation dans les prisons en Ontario. Les unités d’isolement ne peuvent la plupart du temps pas être aussi densément peuplées, et le système carcéral veut disposer de l’espace à sa discrétion. Les personnes trans, en particulier, finissent la plupart du temps seul-e en cellule, au lieu de deux ou trois personnes par cellule comme pour d’autres.
Déplacer les personnes trans vers un autre établissement où iels seraient placé-e-s dans un bloc normal est donc une réponse partielle à la surpopulation. Ça signifie aussi que s’identifier comme trans donne à des prisonnièr-e-s, qui ne se seraient peut-être pas identifié-e-s comme trans autrement, une option additionnelle pour échapper au choix entre violence et isolement. Je crois que peu de gens agissent ainsi de façon tout à fait cynique et que pour beaucoup, ça ressemble plutôt à mon processus à moi de transition de non-binaire vers une présentation qui correspond à l’idée que se fait la prison (et la société en générale) d’une «vraie» femme (trans). Aussi, la violence carcérale s’abat de façon disproportionnée sur celleux dont la santé mentale les rend incapables de se conformer à l’environnement social rigide, qui est lui-même une réponse à la surpopulation et à l’incarcération elle-même (9).
La pression pour s’identifier à un genre auprès de la prison commence de plus en plus à ressembler à la pression pour s’identifier devant un flic qui t’arrête. C’est une invitation à participer à ce que le processus de contrôle de ton corps se passe en douceur sans trop te blesser. Je me souviens que quand je pleurais dans la salle d’admission, ce n’était pas que je refusais encore de leur dire quelles cases cocher, mais que je n’avais juste pas le bon type de réponses. Finalement, j’en arrivais à une réponse qui me fit obtenir ce dont j’avais besoin à la fin de cette très longue journée – un lieu sûr où dormir (10).
J’avoue que certains s’identifient comme trans cyniquement, tout comme ces prisonniers qui se battent pour être identifié-e-s comme des «gens du Livre» afin d’avoir accès aux repas kashers de meilleure qualité. Mais c’est une très petite minorité. Néanmoins, la prison pour femmes vient jouer un rôle de «super DP» dans le système carcéral global.
Toujours contre la prison
J’ai passé beaucoup de temps à discuter de ce sujet avec d’autres prisonnièr-e-s, aussi bien cis que trans. Peut-être que ce n’est pas un problème que la prison pour femmes soit également une super DP. La coercition et la violence font partie de l’identité de toute façon, donc c’est peut-être dans la culture entre prisonnier-e-s dans les prisons pour femmes qu’il faut gérer ce changement. C’est ça l’idéal progressiste, non ? Que des dirigeants éclairés décident des droits des gens et que l’exigence de respecter ces droits constitue l’unique limitation à notre liberté? Parce que l’oppression n’est qu’une question de comportement individuel, non ? Donc, heureusement que le système carcéral a collé des posters Personne Gingenre™ dans toutes les blocs de la prison pour femmes, de façon à ce que les prisonnièr-e-s puissent s’éduquer et préserver cet endroit comme un lieu sûr (11). Je ne plaisante pas; c’est vraiment là, juste à côté de l’imprimé obligatoire de nos droits, une douzaine de pages sous un panneau en plastique, et dont la typographie est si petite que ça en est illisible.
Toute personne qui se soucie de l’inclusion des trans, qui a pu lutter dans les campagnes que l’État vient de récupérer et de régurgiter sous la forme du projet de loi C-16, devrait examiner honnêtement ce que fait le système carcéral de leur projet. Le voir sous cette forme grotesque devrait ébranler notre analyse du genre et de l’inclusion de façon à la rendre plus riche et nuancée. Parce que l’autoidentification comme base d’inclusion en prison est intenable. Quand il y aura une réaction anti-trans au niveau législatif, on ne manquera pas d’histoires d’horreur venant de la taule pour alimenter l’indignation.
Et c’est pas du fait que certaines meufs trans sont «fausses», ni parce que certaines meufs trans reproduisent un comportement prédateur, qu’ont certaines prisonnières cis aussi. Il est évident que c’est injuste de tenir responsable un groupe entier de personnes pour les choses merdiques que font quelques individus de ce groupe. La réaction viendra parce qu’il ne suffit absolument pas de coller au système carcéral une vision positive de l’identité de genre. Il me semble important qu’il y ait une critique du projet de loi C-16 et de sa mise en œuvre qui provient de queers et de personnes porteuses d’un projet d’émancipation – et pas seulement d’opportunistes qui haïssent les personnes trans, comme Jordan Peterson (prof canadien devenu philosophe de droite). Je ne considère pas l’État comme un agent de changement social positif, mais même celleux d’entre vous qui le voient ainsi devraient se demander s’il n’existe rien à critiquer du projet de loi C-16, comme si Trudeau (le premier ministre canadien) avait tapé dans le mille du premier coup.
Pour celleux en-dehors du Canada, peut-être que voir comment l’inclusion trans progressiste s’est jouée ici s’avérerait utile pour éviter les écueils dans lesquels nous avons échoués. C’est un autre sujet, mais une analyse de comment s’est joué l’inclusion trans dans le milieu brutal de la prison pourrait bien révéler certaines faiblesses dans l’auto-identification comme base du genre ailleurs.
Le système carcéral pourrait réagir de différentes manières face à ces contradictions, mais d’abord une petite histoire : il y a eu quelques gardien-ne-s queers avec lesquels j’ai interagi dans la prison pour femmes. L’une était une femme trans qui, en me fouillant au corps, m’a dit «On a eu de grands progrès ces dernières années, les choses s’améliorent.» Mais celui avec qui j’ai interagi le plus régulièrement travaillait dans mon bloc et se montrait assez amical avec moi. Un jour, il brutalisa une de mes amies en vidant une bombe au poivre dans ses yeux à quelques centimètres de distance tandis qu’un autre gardien la maintenait au sol. On lui donna un sale surnom en référence à cet événement, et il se plaignit auprès de la direction afin que nous arrêtions de le «harceler». Plus tard il a eu une mammectomie, et me l’annonça avec enthousiasme pendant que je faisais la queue pour les médocs, et je regrette d’avoir alors fini par l’en féliciter.
Une des premières façons dont le système pourrait réagir serait de mettre les bouchées doubles dans l’amélioration de son projet d’inclusion, peaufinant ses politiques trans et résolvant les problèmes en cours. J’espère que des histoires comme celle-ci pourront aider à nous convaincre que leurs efforts en ce sens ne répondent en rien à nos besoins. Je m’en fiche de l’identité de genre du gardien qui me brutalise, de la même façon que leurs ajustements pour mon identité de genre ne m’ont pas rendue plus libre (12). De plus, le système carcéral pourrait se replier sur ses origines en appliquant un modèle de contrôle par la séparation. On entend beaucoup parler d’une unité spéciale pour les queers, voire même d’un établissement séparé. Le statut des personnes queers ne serait plus à mi-chemin entre la prison pour hommes et celle pour femmes, mais entre la prison ‘normale’ et la prison psychiatrique, ce qui constitue déjà la façon dont le système gère les formes de déviances qu’on ne peut nous reprocher. Nous devrions nous opposer à ça, tout comme nous nous opposons à tout développement du système carcéral.
En tant qu’anarchiste, je suis bien entendu contre toutes les prisons et je ne vais pas offrir de suggestions de politique. J’écris peu de temps après le meurtre de George Floyd par la police de Minneapolis et après l’énorme rébellion qui s’en est suivie, à un moment où les critiques contre la police et la prison se sont propagées comme je n’aurais jamais pensé le voir. Ça m’a motivé à enfin finir ce texte plutôt que de continuer à me trimbaler ces expériences à l’intérieur, parce que je pense que les espaces féministes et queers pourraient faire plus pour construire une hostilité envers les flics et les prisons, à leurs manières. Je vis pour voir le jour où tou-te-s celleux dont la vie a été impactée par la prison se rassembleront pour les détruire, et laisser le champ libre aux pigeons et à la pluie. Nous planterons des arbres fruitiers sur leurs ruines et nous ferons un feu de joie des uniformes de prisonnier et de gardien. Je sais que la fumée emportera avec elle certains aspects du cauchemar genré dans lequel nous vivons tou-te-s, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des murs.
Postscriptum : Ça fait quatre mois que la parution de la version anglaise de ce texte est sortie, et je veux y ajouter un petit mot pour l’occasion de sa traduction vers le français. Si je n’ai guère traité de la race dans ce texte, c’est parce que j’hésitais à raconter des histoires qui ne sont pas les miennes ou d’en faire une analyse à la noix. J’aurais dû trouver la manière d’en parler, mais mieux vaut tard que jamais. Je n’ai rencontré aucune autre femme trans blanche en prison, elles étaient toutes noires ou autochtones, et j’avais beaucoup moins d’ennuis qu’elles. Elles finissaient presque systématiquement en DP ou restaient en isolement. Impossible de savoir dans quelle mesure c’était dû au niveau de soutien extérieur dont j’ai profité en tant que prisonnière anarchiste; mais le fait est que si toutes les femmes trans ont plus de chances de vivre dans la misère et de finir en taule, c’est autrement plus dur pour les femmes trans racisées.
Comme je l’ai expliqué plus haut, il est nécessaire d’avoir un bon passing pour sortir d’isolement et de se faire accepter par les autres prisonnières aussi bien que par le système. Des féministes racisées ont démontré que les standards de beauté sont blancs, et on pourrait en dire autant pour le passing, qui nous demande (le plus souvent) de jouer sur des notions de féminité stéréotypées. Si, dans les sociétés canadienne et française, on dressait le portrait de ce qu’est une vraie femme, belle et élégante, respectable, ce serait sans doute celui d’une femme blanche.
Pour avoir un bon passing, la couleur de ma peau me facilite beaucoup la tâche, au moins autant que ma petite corpulence. Le système carcéral a décidé que j’étais une «vraie» femme trans qui ne méritait pas une expérience de violence accrue, pour les mêmes raisons que la société accepte que je bosse dans le service aux clients. Ce sont des boulots de merde, mais c’est encore pire de ne pas pouvoir obtenir un boulot de merde quand on en a besoin. Dans ces deux cas, la race vient jouer avec l’identité de genre et faire que les politiques d’inclusion ne sont que pour certains. Ce qui n’est nullement un argument pour une meilleure inclusion, mais pour la nécessité de la critiquer et de concevoir une autre manière de penser le problème.
Galérer davantage en taule -comme économiquement- fait que le cycle de traumatisme, d’instabilité et de criminalisation se répète de plus belle en dehors des murs. La régulation du genre par la prison nuit à tout le monde, mais pas de la même manière. Ce n’est pas nouveau de dire que la prison réserve un traitement différencié selon la race, mais la race entre également dans la reproduction du genre à l’intérieur des murs au moment du tri des corps. Dans ce texte je voulais insister sur la violence de l’inclusion non pas pour minimiser la violence de l’exclusion, mais pour réfuter l’idée progressiste que l’inclusion est la réponse à l’exclusion. L’expérience des prisonnièr-e-s trans n’est qu’un énième exemple qui montre que ce ne sont que les deux faces d’une même pièce.
Anonyme Été 2020
Ce texte se veut un point de départ et j’espère que d’autres personnes l’étofferont. Il n’est pas signé, même si je sais bien qu’il n’est pas très anonyme. Si tu veux me contacter pour me faire des retours, c’est possible (en anglais et en français) à l’adresse de la brochure.
Traduction depuis l’anglais Juillet 2023 Pour recevoir la brochure ou pour toute correction, remarque, critique : atropa@mortemale.org
Notes :
1) Voici un résumé du projet de loi C-16, comme il apparaît présenté dans la proposition de loi : « Le texte modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’ajouter l’identité de genre et l’expression de genre à la liste des motifs de distinction illicite. Il modifie également le Code criminel afin d’étendre la protection contre la propagande haineuse prévue par cette loi à toute section du public qui se différencie des autres par l’identité ou l’expression de genre et de clairement prévoir que les éléments de preuve établissant qu’une infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre constituent une circonstance aggravante que le tribunal doit prendre en compte lorsqu’il détermine la peine à infliger. » https://www.parl.ca/DocumentViewer/fr/42-1/projet-loi/C-16/premiere-lecture? col=2
2) Mon vécu n’est pas le même que tou-te-s, je ne peux m’exprimer pour le vécu de tou-te-s les personnes trans. Quelques notes me concernant pour aider à contextualiser : – Je suis blanche et je ne fais donc pas face au même niveau de criminalisation dans ma vie quotidienne, ni au même niveau d’hostilité au sein du système carcéral. Les prisonnièr-e-s trans noir-e-s et autochtones avec lesquels j’ai interagi ont souvent fait face à bien plus de violence et de refus autour de leur identité de la part du système carcéral que ce que j’ai pu connaître, ce qui est logique puisqu’iels subissent également plus de violence et d’exclusion à l’extérieur. – Je n’ai jamais été à l’intérieur pour autre chose que de l’activité anarchiste, c’est donc une énorme différence en terme d’expérience par rapport à quasiment toutes les personnes que j’ai pu rencontrer à l’intérieur, et je reçois bien plus de soutien extérieur. J’ai été incarcéré-e en 5 occasions séparées qui, accumulées, équivalent à à peu près un an, ce qui est long sous certains aspects, mais ce qui ne l’est pas du tout comparé à un bon nombre de personnes. – À savoir aussi que les hommes trans sont dans une position différente relative à ce que je décris dans ce texte. Les hommes trans à qui j’ai parlé ont dû choisir entre arrêter de prendre de la testostérone ou rester en isolement, donc la question de l’inclusion n’est pas la même pour eux.
3) Je ne blâme pas les prisonnièr-e-s de mes mauvaises expériences autant que je blâme l’institution déshumanisante qui expose toute différence à une telle pression intense.
4) Au-delà de l’élément de l’identité, je n’aurais pas l’analyse que j’ai de la prison sans les écrits et l’exemple des radicaux noirs. Lire Assata Shakur, George Jackson et Kuwasi Balagoon dans la prison des hommes, et en discuter avec d’autres prisonnier-e-s a été assez formateur pour moi.
5) Bien que je comprenne pourquoi ce cadre existe, insister sur le fait que « les femmes trans sont des femmes » est trop simpliste. La plupart d’entre nous avons grandi avec des privilèges masculins et nous ne comprenons pas ce que ça signifie d’être produit comme femme depuis la naissance ; de même, l’exclusion et la violence auxquelles les femmes trans font face dans la société ne sont pas les mêmes que celles auxquelles les femmes cis font face. Personne ne prétend que les femmes cis comprennent l’expérience d’une femme trans juste parce que « nous sommes toutes des femmes ». On n’a pas besoin de débattre si une forme de violence est pire qu’une autre, il suffit de dire qu’elles sont différentes. La différence ne veut pas dire que l’inclusion n’a pas lieu d’être (je ne vous demande pas d’attendre de rentrer chez vous pour pisser). C’est un argumentaire contre le fait de laisser la nécessité de l’inclusion – du fait de besoins similaires de sécurité dans le monde tel qu’il est – nous mener à une idée du genre qui aurait été réduite à ses dimensions positives. De même, il y a une différence entre le fait de s’identifier en tant que quelque chose et le fait d’être identifié ainsi. Que les deux coïncident ou non pour une personne donnée mènera aussi à une expérience de la violence différente. Problématiser des catégories comme homme/femme (ou cis/trans) est certes utile, mais je ne veux pas qu’on aplatisse les choses et qu’on finisse avec une capacité moindre à discuter de nos expériences différentes de la violence systémique.
6) Il y a eu de rares femmes trans dans les établissements pour femmes depuis au moins les années 80, mais la majorité des femmes trans étaient dans les prisons pour hommes.
7) Je sais que toutes ces classifications peuvent porter à confusion pour quelqu’un qui n’a pas fait de taule avant, donc je vais expliquer un peu ici. DP (Protective Custody, PC, en anglais) et PG (General Population, GP) se ressemblent : même emploi du temps, même niveau de surpopulation, même (manque d’)accès à des programmes. C’est pas l’isolement, tu es toujours avec beaucoup d’autres personnes et tu partages toujours une cellule.
8) C’est en parti en réponse aux verdicts de tribunaux canadiens qui limitent la capacité du système carcéral à utiliser l’isolement comme punition.
9) Soyons clairs, les prisons pour femmes ne sont pas un espace safe pour les queers. Par exemple, j’ai pu être témoin de situations où des personnes queers assignées femmes à la naissance étaient ballottées d’une relation à l’autre avec des femmes cis dures-à-cuire qui vivaient à hétéroland en dehors de la taule. Les personnes queers pensaient au début être dans une espèce de camp d’été gay, mais iels ont fini par se rendre compte qu’iels étaient dans une situation qu’il ne serait pas facile de quitter ou de changer.
10) Cette pression sur l’identité de genre des prisonnièr-e-s n’est pas qu’une question trans. J’ai vu la façon dont les hommes dans les prisons pour hommes font face à une pression à performer de l’hypermasculinité. De même, la prison pour femmes reproduit les individus comme des victimes sans défense en les dépouillant de leurs options et de leurs soutiens tout en jouant avec leur trauma. Le genre de presque tout le monde est examiné et changé par la prison. Il y a néanmoins une expérience distincte à celle-là liée au fait d’être trans, et c’est ce qui m’intéresse le plus ici.
11) La Personne Gingenre (en anglais The Genderbread Person) est un outil éducatif sous forme de poster visant à expliquer les différences entre genre, sexe et sexualité, dans le cadre d’une vision extrêmement progressiste du genre. https://www.genderbread.org.
12) C’est d’une ironie étrange que le syndicat des gardiens ait réussi à obtenir l’acceptation de l’identité de genre de leurs travailleurs avant que le système n’en soit arrivé à faire de même pour les prisonnièr-e-s. Il y a eu des femmes trans gardiennes dans les prisons pour femmes bien avant la Bill C-16.
Commentaires fermés sur Appel à la solidarité : La lutte du syndicat des locataires de Montréal contre l’État et les gros propriétaires du Mile End, les Cucurulls
Juin142023
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Ceci est un appel à la solidarité et au soutien du Syndicat des locataires autonomes de Montréal (SLAM). Le syndicat des locataires a organisé un piquetage pour ce vendredi 16 juin à 16h00 devant les bureaux du propriétaire au 5301 Parc. Cet appel explique la situation actuelle de répression de l’État et des propriétaires, et pourquoi il est important que nous, en tant que mouvement, aidions la lutte des locataires.
Si cette nouvelle mobilisation ressemble au dernier piquetage – avant l’injonction – du SLAM, des piquetages hebdomadaires suivront aux bureaux des Cucurulls. Il est probable que d’autres actions seront organisées pour augmenter la pression.
Nous avons copié un extrait du GoFundMe – donnez si vous le pouvez – écrit par le SLAM, expliquant leur situation actuelle dans leur mobilisation contre la famille immobilière Cucurull :
Après une victoire contre une injonction, notre syndicat lance un nouvel appel de solidarité entre locataires contre la famille Cucurull, un groupe de propriétaires à Montréal. Notre syndicat de locataires avait initallement fait appel à la communauté après que la livraison d’une pétition ait mal tourné. Les Cucurulls ont dépensé des dizaines de milliers de dollars pour nous empêchant de partager publiquement des informations sur leurs actions. Toute information publique au sujet de la compagnie a due être enlevée des réseaux sociaux, le piquetage ne pouvait plus avoir lieu, et notre campagne de financement pour notre défense légale a due être enlevée de nos médias sociaux.
Une victoire récente partielle en réponse à l’injonction nous permet à nouveau de parler publiquement de la compagnie. Non seulement les Cucurulls n’ont toujours pas établi un plan d’action pour répondre aux demandes des locataires listées dans leur pétition, mais une poursuite de 380,000$ cible le syndicat. Les locataires demandent une compensation pour les actions des Cucurulls lors de la livraison de la pétition à leurs bureaux, ainsi qu’un plan d’action pour les réparations, du respect, et de plus petites augmentations de loyer.
Les Cucurulls gèrent 29 bâtiments et 446 apartments. La famille immobilière a été impliquée dans plusieurs centaines de cas au tribunal du logement dans les deux dernières décennies. En 2019, leurs bureaux ont été occupés par des locataires qui ont décrié des évictions de résidents de longue date pour augmenter les loyers. Les Cucurulls ont tenté d’utilisé une injonction pour évincer de facto une locataire actuelle qui a participé à la dernière livraison de pétition, mais ont échoué.
Ce fond légal de solidarité a été mis en place pour aider les membres du syndicat devant faire face à des procès légaux.
Joignez-vous à nos piquetages réguliers du vendredi devant leurs bureaux situés au 5301 Parc, faites un don, et organisez-vous entre locataires dans votre bâtiment pour construire votre pouvoir collectif dans vos quartiers! La solidarité et la communauté feront fleurir une ville meilleure! Solidarité avec toutes les luttes contre les propriétaires!
Faites un don ! Partagez ! Syndiquez votre immeuble !
Une lettre ouverte a été signée par une vingtaine d’organisations locales, nationales et internationales. Elle a été publiée par le collectif Premiere Ligne, sous le titre « La justice fait taire les locataires ! – Communiqué. » La lettre explore les actions répréhensibles des propriétaires, Ian Cucurull et Martha Cucurull, contre des membres du SLAM qui remettaient une pétition innocente. Des cheveux ont été tirés, un membre du SLAM a été étranglé, un locataire du propriétaire a été piégé dans le bureau du propriétaire alors que ce dernier, sur vidéo, souriait par la fenêtre en brandissant un couteau.
La police, au lieu d’inculper les propriétaires, a choisi de cibler les locataires impliqués dans la remise de la pétition en les accusant d’extorsion (pour avoir organisé des revendications), de harcèlement (pour avoir généré une pression publique continue contre le propriétaire) et d’entrée par effraction (pour avoir visité collectivement le bureau du propriétaire). D’autres détails sur l’injonction ultérieure du tribunal, qui comprenait une tentative ratée d’expulsion « de facto » d’un locataire, sont explorés ci-dessus dans le texte de Gofundme.
Voici quelques réflexions sur la nécessité d’une réponse du mouvement et d’une solidarité continue avec le syndicat des locataires de Montréal :
1) Les syndicats de locataires sont nouveaux à Montréal. La réponse actuelle de l’État et des propriétaires aux locataires qui s’organisent sur la base d’une action collective déterminera leurs réponses futures. Si les locataires qui s’organisent et agissent ensemble en utilisant des tactiques plutôt traditionnelles sont considérés comme des criminels ou comme méritant des injonctions de la part des tribunaux, et que nous permettons que cela ne soit pas contesté, nous perdons l’une de nos stratégies les plus utiles pour faire face à la crise du logement. Pour l’essentiel, le droit des locataires à s’organiser publiquement est remis en cause ici. Cette contestation aboutira-t-elle ?
2) Dans le même ordre d’idées, nous ne pouvons que supposer que des organisations de propriétaires comme la CORPIQ et d’autres propriétaires observent ces situations et en tirent des leçons. Cette répression intensive – y compris un procès de 380 000 $, des injonctions, des milliers de dollars de frais juridiques, des accusations criminelles et une enquête policière – mènera-t-elle à la défaite ou à la victoire ?
3) L’occasion s’est présentée de s’organiser contre un important propriétaire local. Il s’agit d’une campagne publique à un moment où l’opinion publique se préoccupe de plus en plus des relations en matière de logement et des rapports de force entre locataires et propriétaires. En tant que mouvement populaire, organisons-nous là où les tensions et les antagonismes de classe sont les plus clairs pour les personnes extérieures à notre mouvement. N’importe qui sait, en apprenant cette situation, qu’une grave injustice est commise.
4) Enfin, ces stratégies de répression ne devraient jamais être tolérées par notre mouvement, contre aucun de nos membres. La solidarité, aujourd’hui, est un appel à l’action contre les Cucurulls, et leurs entreprises : Immopolis et Topo Immobilier.
[Note : Ce texte a été écrit en solidarité et sans l’autorisation ou la connaissance du SLAM.]
Commentaires fermés sur Vancouver : Plusieurs succursales de la RBC ciblées #AllOutForWedzinKwa
Août092022
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Tôt lundi matin, plusieurs petits groupes ont ciblé 7 succursales de la RBC réparties dans le soi-disant Vancouver. Nous avons endommagé des serrures, brisé des fenêtres et laissé des messages.
La RBC continue de financer le projet de gazoduc Coastal Gaslink qui traverse le territoire des Wet’suwet’en. Elle viole la loi Wet’suwet’en et se fait complice de la criminalisation des défenseur.e.s des terres sur leur propre territoire.
Nous n’avons pas oublié la RBC. Le manque d’attention des médias ne diminuera jamais notre haine pour CGL et leurs financiers. La répression de l’État n’enlèvera pas la joie de détruire leur propriété.
Puissions-nous trouver l’amour et la solidarité dans la lutte contre les projets extractifs.
Fuck la RBC. Fuck la GRC. Pas de pipelines sur le Yintah Wet’suwet’en.
Le Verger au complet lance son troisième épisode de la deuxième saison. Ce mois-ci, le podcast aborde les enjeux qui entourent la police dans les territoires autochtones, qu’elle soit dirigée par des autochtones ou des colons.
Dans cet épisode on discute avec l’une des fondatrices du camp d’apprentissage linguistique de Kanien’kéha à Akwesasne et de la relation de cette communauté avec les forces policières.
Musique
Jason camp & The Posers – « Indian Act (Kill the Indian, Save the Child) », from the album « First Contact », 2019 https://jasoncampandtheposers.bandcamp.com
Q052 – « High Horse », from the eponymous single album, 2020, https://q052.bandcamp.com
Commentaires fermés sur Pourquoi on détruit les autocollants « Boycott China »
Mai312021
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Ces autocollants étaient affichés dans la zone entre les rues Atwater et Peel – et peut-être ailleurs à Montréal ! On ne sait pas qui les affiche, mais on les voit parfois avec d’autres qui disent FUCK TRUDEAU ou qui appellent à la libération de Hong Kong. Nous sommes parmi celles-ceux qui enlèvent et couvrent ces autocollants.
On ne connaît pas avec certitude les intentions de celles-ceux qui les affiches. Cependant, on a l’analyse qui suit :
Il y a des gens dans notre société qui veulent une guerre totale entre l’Occident (dont la définition varie) et la Chine. Ils ne sont pas motivés par un amour pour la liberté; ce qu’ils veulent est une orgie de violence qui enveloppera le monde.
Une vague de violence contre nos voisin.e.s asiatiques se produit déjà, à travers l’Amérique du Nord et dans plusieurs autres pays.
Dénoncer l’État Chinois est légitime – il est l’exemple ultime du « fascisme rouge » à l’ère moderne ! – mais c’est plutôt urgent de dénoncer l’empire chez nous. Le Parti communiste de Xi est dangereux, mais bien plus dangereux sont la police locale, le fascisme locale, l’ecocide locale, l’avidité locale. L’empire du mal à l’étranger est une distraction du besoin urgent pour une révolution sociale ici et maintenant!
On encourage tout les Montréalais-e-s à détruire et couvrir ces autocollants!
On encourage aussi les gens qui répandent ces messages à être un peu moins caves!
Parce que vous êtes plusieurs à vous demander quels sont nos droits durant cette pandémie, nous avons cru bon de publier ce guide, en espérant que cela puisse vous éclairer !
On en profite pour souligner le travail acharné de : Me Franccesca Cancino, Me Émilie Breton-Côté, Me Alia Chakridi, Me Raphaëlle Desvignes, Émilie E. Joly, Jacinthe Poisson et Me Arij Riahi . Le document a été révisé par Me Denis Barrette et la professeure de droit Dominique Bernier.
Commentaires fermés sur #Libérezlestous : campagne d’email pour la libération des prisonniers fédéraux
Avr122020
Soumission anonyme à MTL Contre-info
SOUTENEZ TOUS LES PRISONNIERS MAINTENANT! PERSONNE NE DEVRAIT PASSER UN PANDÉMIE EN PRISON!
La situation des prisonniers pendant la pandémie de COVID19 est terrifiante. Il est largement admis que les prisonniers sont dans une position dangereuse pendant cette pandémie en raison de la proximité des quartiers d’habitation, du manque de soins de santé et du manque d’accès aux fournitures sanitaires. Services correctionnels Canada a fait très peux pour contrer les risques internes, mis à part l’annulation de toutes les visites, les libérations temporaires de travail et les visites de roulottes. Comme on pouvait s’y attendre, COVID19 a déjà commencé à se répandre dans le système carcéral fédéral avec des détenus et du personnel infectés dans plus et plus des établissements.
Les appels à la libération des prisonniers sont venus de nombreuses personnes et groupes différents à travers le monde et de nombreux médias au Canada ont publié des articles détaillant le raisonnement pour la libération des prisonniers. Nous aimerions ajouter nos réflexions à cette conversation.
Au niveau fédéral, il existe de nombreux outils que le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada peuvent utiliser pour libérer les détenus. Ceux-ci comprennent: la prolongation des absences temporaires non accompagnées, l’utilisation des articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (ADRC), des audiences accélérées pour les cas de suspension et de révocation, et l’utilisation de l’article 121) 1.b) de l’ADRC, qui indique que «la libération conditionnelle peut être accordée à tout moment à un délinquant […] dont la santé physique ou mentale est susceptible de subir de graves dommages s’il continue d’être détenu».
L’utilisation des dispositions existantes pour libérer les prisonniers afin de protéger leur santé n’est pas sans précédent. En effet, comme l’expliquent Jane Philpott et Kim Pate dans un article de Policy Options, « les articles 29, 81, 84, 116 et 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ont été spécifiquement créés pour faire sortir les gens des prisons pour résoudre des problèmes de santé, pour le développement personnel, pour des raisons de compassion ou pour le travail. Les articles 81 et 84 prévoient le transfère des détenus autochtones dans les communautés autochtones, mais pourraient également s’appliquer à d’autres personnes » (on souligne).
Dans ce contexte, nous exigeons des actions immédiates pour protéger la santé et la sécurité des détenus fédéraux. Plus précisément, nous avançons les revendications suivantes :
1. LIBÉRONS IMMÉDIATEMENT TOUS LES PRISONNIERS VULNÉRABLES : Toute personne de plus de 50 ans, immunodéprimée, enceinte, malade ou présentant une condition préexistante qui la rend à haut risque de mourir de la COVID-19.
2. LIBÉRONS TOUS LES PRISONNIERS, en commençant par ceux qui se trouvent dans les PRISONS DE SÉCURITÉ MINIMALE et les maisons de transition : Selon la logique même du Service correctionnel du Canada, ceux et celles qui se trouvent dans les prisons de sécurité minimale et les maisons de transition sont considéré.e.s comme présentant le moins de risques pour la sécurité publique, alors commençons par là. Laissons ceux qui ont une maison rentrer chez eux, garantissons une distance physique sûre entre les personnes dans les maisons de transition où les gens choisissent de rester, élargissons l’accès au financement de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) pour inclure les personnes qui sortent de prison, ouvrons les logements vacants pour ceux qui n’ont pas de maison.
3. PRENONS IMMÉDIATEMENT DES MESURES SANITAIRES ET PRÉVENTIVES POUR PROTÉGER LES PERSONNES QUI RESTENT EN PRISON : Fournissons gratuitement à chaque prisonnier du savon, du désinfectant pour les mains avec le taux d’alcoolémie approprié recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, de l’eau de Javel, des produits de nettoyage et des outils d’auto-évaluation (comme des thermomètres), et transférons les prisonniers en sécurité maximale et moyenne dans les prisons minimales vides pour permettre une bonne distance physique.
4. ARRÊTONS LA LOGIQUE DE LA PUNITION. PRIORISONS L’ACCÈS CONTINU À LA COMMUNAUTÉ ET À LA FAMILLE POUR CEUX QUI RESTENT EMPRISONNÉS : Rendons gratuits les appels téléphoniques et les visites vidéo, autorisons les appels téléphoniques et les visites vidéo pour les bénévoles et les soutiens en dehors de la famille, donnons accès à des téléphones portables pour limiter l’utilisation des téléphones communautaires et pour que l’accès à l’extérieur soit maintenu en cas d’isolement médical, et ne verrouillons pas l’accès aux soutiens communautaires et familiaux. L’Organisation mondiale de la santé, soulignant l’importance de la communication avec l’extérieur, a déclaré que « les décisions de limiter ou de restreindre les visites doivent tenir compte de l’impact particulier sur le bien-être mental des détenus… L’impact psychologique de ces mesures doit être pris en compte et atténuée autant que possible et un soutien émotionnel et pratique de base pour les personnes affectées en prison devrait être disponible. »
5. DES SERVICES MÉDICAUX POUR TOUS : Veillons à ce que les services médicaux soient entièrement financés, accessibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et à ce que des professionnels de la santé supplémentaires soient engagés. Fournissons une formation, des EPI et des tests réguliers. Supprimons l’obligation d’avoir des gardes pour accompagner les prisonniers à l’hôpital. Ne pas envoyer les prisonniers dans des hôpitaux militaires spéciaux.
Qui devez-vous contacter?
À ce stade, vous pouvez appeler ou envoyer un courriel :
1. Anne Kelly – Commissaire du Service correctionnel du Canada: anne.kelly@csc-scc.gc.ca, 613-995-5781
2. Angela Connidis – Sous-commissaire pour les femmes, Service correctionnel du Canada: angela.connidis@csc-scc.gc.ca, 613-991-2952
3. Jennifer Oades – Présidente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada: jen-nifer.oades@pbc-clcc.gc.ca, 613-954-1154
4. Bill Blair – Ministre de la Sécurité publique: Bill.Blair@parl.gc.ca
5. Kim Pate – Sénatrice faisant pression pour la décarcération: Kim.Pate@sen.parl.gc.ca
6. Marilou McPhedran – Sénatrice faisant pression pour la décarcération: Marilou.McPhedran@sen.parl.gc.ca
7. Jack Harris – NPD, porte parole Sécurité Publique: jack.harris@parl.gc.ca, 709-772-7171
Vous pouvez aussi utiliser le graphique (ici: demandprisonschange.wordpress.com) sur les réseaux sociaux! Tweetez à @csc_scc_en ET @csc_scc_fr avec les hashtags: ##Libérezlestous.